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Sixties françaises
Nous sommes en 1962, le narrateur, qui est surnommé Sorb, car tout le monde le voit comme un garçon intelligent capable d'aller à la Sorbonne, est le fils d'une famille arménienne. Ses parents ont pour lui des rêves de réussite universitaire, mais Sorb se sent surtout bien avec quelques amis qui forment une petite bande qui multiplie les petits coups, les petites rapines. Une bande de jeunes qui se cherchent. Son père est ami avec le chef de la police ce qui permet d'effacer certaines ardoises, mais il y a des moments où ça devient compliqué de couvrir le jeune homme, trop rebelle. Il a une copine, pourtant des beaux quartiers, fille de médecin et elle-même destinée aux études médicales, mais cette dernière est aussi promise à un homme plus âgé, plus expérimenté et surtout pouvant assurer financement la vie aisée de la jeune femme. Dans leur bande, un jeune homme va pourtant commettre une grossière erreur. Effrayée en le voyant, une femme a hurlé et, pour éviter les ennuis, l'ami a frappé trop fort et la femme, une ouvrière, est morte. Sa bande décide de l'aider lui assurant un alibi et en provoquant des blessures sur leur ami, prétextant un jeu cruel, afin d'empêcher que la police puisse constater les blessures qu'il a subi en agressant la jeune femme. De cet événement initial, de son amitié avec le chef de bande, une tête brûlée qui ira entamer une carrière de mercenaire au Katanga, Sorb va osciller entre son besoin de promotion sociale et son incapacité à se sortir des liens affectifs avec sa bande. De fil en aiguille, il ira frapper un jeune Algérien, ce qui provoquera des représailles, puis voudra "embêter" le vieux fiancé de sa copine, et tout partira mal.
Le Pouilleux massacreur est un nouveau titre de Ian Manook où l'on retrouvera son gimmick habituel du titre de chapitre constitué des derniers mots du dit chapitre. Mais avec ce roman, il ouvre surtout une nouvelle voie dans son écriture. S'inspirant, peut-être, d'auteurs des années 1960 (On sent un peu du Léo Malet, du Jean Meckert, du André Héléna) pour écrire un texte qui se situe en 1962 dans cette France périphérique qui se cherche, où l'ascenseur social existe encore et où la vie semble quand même cadenassée même si Mai-68 commence à pointer son nez. On songe aux HLM, aux premiers rockeurs et Teddy Boys, aux gens des banlieues qui travaillent tandis que la fin de la guerre d'Algérie s'éternise, où les cafés regorgent de jeunes rêvant d'une autre vie. Ian Manook reconstitue cette vie par petites touches, par détails frappants, au sein de l'itinéraire d'un garçon qui aimerait mener sa vie, mais est coincé par ses loyautés diverses et contradictoires : ses amis, sa famille, ses copines, ses rêves de gloire et un futur bourgeois un peu angoissant. Il y a plein de futurs alternatifs, de possibles qui s'ouvrent et, en même temps, des règles, des pesanteurs qui rendent les choses difficiles. Le romancier montre tout cela, tout ce noir qui pourrait virer au rose, mais replonge sans cesse dans le noir, dans un roman construit et mené de main de maître, de la main de l'artisan honnête qui écrit son œuvre, sans pathos ni gloriole, comme une description d'une tranche de vie, d'un monde qui a existé, qui aurait pu perdurer, et se concluant par un chapitre sobre mais ô combien logique ! Le Pouilleux massacreur est à notre avis l'un des meilleurs textes qu'il nous ait proposé.
Citation
Des mecs de Meudon-la-Forêt, c'est tout. On zone, on fout la pagaille dans les Prisus, on choure deux ou trois trucs dans les Félix Potin, des quarante-cinq tours chez les disquaires et on se tire en ricanant. Rien de grave.