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Grand format
Inédit
Tout public
270 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-07-302888-4
Coll. "Série noire"
Procédure policière ?
Jusqu'à sa suppression en 1999, la huitième section du parquet de Paris, composée de six magistrats, dirigeait les enquêtes de crimes et délits flagrants. Une magistrature d'abattage ou passait toute la misère humaine, puisqu'une bonne part des individus déférés l'étaient moins en raison de la gravité des faits que de leur situation précaire rendant peu probable leur passage devant le juge après convocation… C'est peu avant la dissolution de cette huitième section que le substitut du procureur Lucien Autret est mis sur une affaire étonnante, celle d'un cadavre retrouvé dans une des grosses poubelles de la ville. Un cadavre au visage lisse rendant son identification difficile. Il apparaît que la victime a été empoisonnée, lardée de coups de couteau, puis tannée dans les règles de l'art afin justement d'empêcher son identification... L'enquête sur le poison, de la mort aux rats, implique vite une sororité de quatre jeunes femmes d'origine Marocaine. Jeunes femmes dont la mère a commis l'erreur de se remarier trop vite après la mort de leur père. Est-ce vraiment une sordide histoire de vengeance ? Mais alors que la sororité ressert ses rangs, qui a vraiment fait quoi ?
Marc Trévidic, pas un débutant en matière littéraire, pourrait se contenter de dépoussiérer le genre dit de procédure policière, uniquement basé sur une solide connaissance de la loi et du fonctionnement de la police, et donc cherchant avant tout le réalisme. Un genre tombé en désuétude, bien que la plupart des prix du Quai des Orfèvres en ressortent, parce que ce souci de réalisme quasi-absolu implique également une certaine austérité... Avec l'auteur, on sait que l'on n'aura pas lieu à un plaidoyer pro domo, et une fois de plus, il ne manque pas de brocarder les travers de l'institution comme seul peut le faire quelqu'un qui la connaît bien — et avec l'intelligence de s'en prendre à l'institution en général et pas aux petites mains qui font ce qu'elles peuvent. On déborde largement du genre lors d'intercalaires commençant par une enfance au Maroc, même si on se doute qu'ils rejoindront l'histoire principale : des pages à l'écriture lumineuse qui brouillent une fois de plus les frontières entre littérature dite noire et blanche (pour notre plus grand plaisir !). Et à deux cent soixante-dix pages, l'auteur n'étire pas inutilement son propos. Sans déflorer, il ne cède pas non plus à la mode actuelle de l'apologie de l'auto-défense – oui, celle que l'on taxait de facho à tort ou à raison dans les années 1970 avant qu'elle ne devienne du dernier politiquement correct... Avant d'ouvrir ce livre, on pouvait s'interroger sur la légitimité de Marc Trévidic à entrer dans la "Série Noire". Après lecture, tous les doutes, si doutes il y avait, n'ont plus raison d'être...
Citation
Les commissaires de police, soumis à la culture du résultat et, en particulier, aux statistiques des affaires élucidées et de celles ayant donné lieu à un défèrement, soit les trois mamelles d'une bonne notation et d'une promotion future, lançaient leurs troupes dans les rues de Paris pour faire un maximum de "têtes" en un minimum de temps. Un bâton était un bâton, une tête était une tête et une affaire élucidée — peu importe laquelle — valait statistiquement une affaire élucidée. Or il était bien plus facile d'arrêter un étranger en situation irrégulière que d'identifier l'auteur d'un cambriolage ou d'un vol à l'arraché.