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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Philippe Aronson
Puzol : 13e Note, mars 2010
464 p. ; 18 x 14 cm
ISBN 978-84-936647-9-4
Comme une nouvelle de Garcia Márquez
Dans ces Mémoires des ténèbres, écrites en 1995, Jerry Stahl s'adresse au lecteur pour lui parler de l'époque où la drogue lui a dicté sa vie. À travers quatre cent soixante pages qui sont un condensé d'un premier jet de plus de mille, Jerry Stahl revient sur la période la plus sombre de sa vie sans pour autant répondre à la principale question : doit-on passer par de tels états pour en arriver à l'après non pas addiction mais consommation ? Car si la religion est l'opium du peuple (c'est pas moi qui l'ai dit le premier), il semblerait que la drogue soit la religion du junkie mais aussi de l'ex-junkie. Il tutoie et rudoie son lecteur. Il se met à nu (même pas peur) et n'hésite absolument pas à se cracher dessus. Il étale au grand jour ses journées sans abri et sans conscience, sa lente dégradation, les os qui transpirent – transpercent ? – sous sa peau. Parle de sa rencontre avec celle qui allait devenir sa femme, rencontre ubuesque, de son enfant, de comment il est passé en un instant du stade de drogué à celui de père drogué (comment il pissait du sang par le cul dans les toilettes de la maternité pendant qu'il s'en faisait justement du mauvais sang à l'idée de ce gosse qui serait sûrement addict). Et puis d'un coup cette conscience qui refait surface.
Un livre qui peut se lire comme Marelle de Cortazar : de façon linéaire ou pas, et qui se laisse appréhender comme un recueil de nouvelles. Si la trame chronologique est présente, elle n'est absolument pas importante. D'ailleurs, comme une mise en abyme, des histoires se fondent dans d'autres et dans une prose noire et sensible. Les multiples références cinématographiques, télévisuelles et littéraires sont d'une exquise discrétion. Jerry Stahl s'amuse de nous. Il nous prend à contrepied, revêt sa couronne de roi des caustiques. L'humour grince, les seringues en rêve se multiplient, et les sensations deviennent de plus en plus exacerbées jusqu'à bander et suer en même temps à la vue d'un fourgue. Écriture de l'exorcisme ? Peut-être bien, mais il en faut de la volonté pour quitter une ville en ruine, pénétrer une nouvelle de Garcia Márquez et sentir sur sa peau des sensations longtemps oubliées. Un livre de chevet qui se parcourt au grès des jours qui passent. Difficile à lire d'une traite, mais que l'on se prend à retrouver et à redécouvrir avec beaucoup de plaisir malgré sa thématique.
Citation
J'ai commencé à me droguer vers quatorze ou quinze ans. Je m'y suis mis pour de bon lorsque mon chien s'est tué.