Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais par Éric Diacon
Paris : Rivages, mars 2010
414 p. ; 17 x 11 cm
ISBN 978-2-7436-2076-9
Coll. "Noir", 771
L'espionnage à la française vu par un Anglais
Ernesto Castillo, dit le Dr Frigo, n'est pas n'importe quel exilé d'un pays d'Amérique latine dans une île des Antilles françaises. Douze ans auparavant, son père a été assassiné alors qu'il allait arriver au pouvoir. Il mène cependant une vie tranquille, juste bousculée par sa maîtresse, Elizabeth, descendante des Habsbourg en éternel instance de divorce. Jusqu'au jour où débarquent Villegas et l'oncle Paco, deux compagnons de lutte de son père. Ils s'installent dans la villa Les Muettes. Castillo se retrouve contraint et forcé par les services secrets français d'être le docteur de Villegas, celui qui est amené à devenir le Président d'une république qui repose sur des réserves de pétrole. Castillo découvre que Villegas va bientôt mourir d'une maladie incurable. Absolument pas maître des manœuvres géopolitiques qui se déroulent sous ses yeux, le Dr Frigo est très vite le cul entre plein de chaises. Il part pour son pays natal. Là, il est au cœur d'un conflit d'intérêt qui voit tous les partis s'arracher sa symbolique, et c'est un homme conscient d'être sans cesse manœuvré qui retournera vidé et brisé auprès de son Habsbourgeoise.
Eric Ambler s'est fait une spécialité des romans d'espionnage avant la Seconde Guerre mondiale. Son acuité, son sens profond du discernement, ont fait que soixante ans après ses écrits, on comprend mieux ce qui s'est tramé dans les années 1940. Avec Dr Frigo, c'est à une autre époque que s'attaque Eric Ambler. Nous nous retrouvons aux Antilles françaises dans les années 1960. Le brio est toujours au rendez-vous. On a changé de monde, et il est encore plus complexe qu'avant. Ses intrigues gagnent donc en complexité sans pour autant perdre en discernement. Cela en fait un livre plutôt inclassable, comme ceux de Graham Greene. Thriller, roman d'espionnage ? Les thèmes économiques et politiques intimement liés viennent s'y rajouter. Au milieu de tout ça un homme avec plein de défauts à la fois ordinaire et extraordinaire entouré de personnages picaresques. Une fresque qui n'est pas sans rappeler Le Port de l'angoisse (To Have and Have Not, 1944), film de Howard Hawks avec Humphrey Bogart, de par son ambiance. À lire et relire.
Citation
Ne vous inquiétez pas, docteur, il sera traité avec les mêmes précautions qu'un ministre, et peut-être avec plus de respect.