Anaisthêsia

Vous étiez dans une situation de grande vulnérabilité au Sarek, à peu de chose près entièrement abandonnée à son bon vouloir. On peut comparer cela à une situation de prise d'otages : vous dépendiez d'une personne pour survivre. Et dès lors, il est tout à fait normal, d'un point de vue psychologique, de se plier à la façon dont cette personne voit et décrit les choses. Ce n'est pas forcément conscient.
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Roman - Noir

Anaisthêsia

Tueur en série MAJ mardi 05 juillet 2011

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Réédition

Tout public

Prix: 17,5 €

Antoine Chainas
Paris : Folio, avril 2009
340 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 978-2-07-044116-7
Coll. "Policier", 618

Électrochoc sans anesthésique

Auréolé de son prix "Quai du polar", ce roman réédité dans la collection "Folio policier" et écrit par le nouveau trublion du genre peut inquiéter, tant on a connu des stars montées en épingle qui se dégonflaient comme un soufflé dès les premières pages. Mais dans ce cas, le moins que l'on puisse dire c'est qu'à la fois on n'est pas surpris et surpris !

Anaïsthêsia. Sous ce titre barbare se cache une voix, celle de Désiré Saint-Pierre, narrateur, policier noir, défiguré et rendu insensible suite à un accident, qui s'occupe de son épouse Rachel, toxico désespérée. À cet énoncé, on voit pointer le double écueil au bas d'une pente savonneuse, celui du pathos misérabiliste comme le pratiquèrent en d'autre temps certains néo-polareux doublé du couplet sur le stéréotype de Dupont-Lajoie, le Français de souche forcément paré de tous les défauts comme le définissent avec une finesse sans égale de grands philosophes genre Diams ou Booba. Mais l'usage de la première personne permet d'évacuer ces défauts, puisque la vision d'un tel héros est forcément subjective, surtout lorsque la découverte de ce qui s'est réellement passé pour justifier une telle descente aux enfers se fera jour et que notre narrateur s'avèrera loin d'être blanc - pardon...

L'intrigue principale sur la recherche d'une tueuse en série surnommée "tueuse à bague" adepte de parties spéciales ne plongera pas dans le Hannibal Lecter de base, mais fera découvrir un personnage de meurtrière sortie tout droit d'un roman de Jérôme Camus & Nathalie Hug. À ce stade, le roman s'enfermant avec un acharnement presque psychiatrique dans le grotesque au sens premier, flirtant même avec le fantastique, ce qui pourrait passer pour une coïncidence de série TV vite torchée (comme par hasard, les goûts de la dame la portent vers les noirs défigurés) n'étonne même plus tant elle s'inscrit dans cette logique du pire... Et l'on plonge, plonge, toujours plus loin dans ce roman qui s'apparente plus à un cauchemar de Tom Browning rédigé par un Chester Himes sous amphétamines dopé à la musique industrielle pour terminer dans un tableau surréaliste à la Hyéronimus Bloch novelisé par Laurent Fétis. Le tout servi par une écriture parfaitement maîtrisée, sèche et âpre, bien loin du thriller aseptisé, lyophilisé et mondialisé que l'on nous sert par têtes de gondoles entières.

Au final, lorsqu'on repose le roman, ce qui domine est ce sentiment de maîtrise absolue, d'un auteur-démiurge qui nous aura mené, nous lecteurs, de l'alpha à l'oméga sans une virgule qui détone, sans jamais relâcher son emprise ni sortir à un seul instant de sa cauchemardesque logique. Un sacré tour de force...


On en parle : La Tête en noir n°145

Nominations :
Prix Mystère de la Critique 2010

Citation

Je me demande un instant si la guerre civile — celle que tous mes compatriotes attendent, celle que les autres craignent, celle qui couve — a finalement éclaté.

Rédacteur: Thomas Bauduret mardi 04 mai 2010
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