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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Écosse) par David Fauquemberg
Paris : Métailié, mai 2010
296 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-86424-748-7
Coll. "Noir - Bibliothèque écossaise"
Un Paddy, pardi !
Gerry Conway est journaliste en Écosse. Son journal recherche désespérément des scoops qui permettraient d'assurer la pérennité. Il reçoit une information qui pourrait faire l'affaire : le nouveau Ministre de la justice écossais aurait milité au sein de groupes paramilitaires en Irlande du Nord. Commence alors une enquête qui le plonge dans une plaie béante, ni refermée ni cicatrisée. Mais remuer ce passé n'est pas sans risque.
La plupart des continentaux connaissent plus ou moins l'IRA, l'Irlande du Nord et les troubles politiques qui animèrent ces dernières décennies. Mais, à part ceux qui y séjournèrent, ou qui suivent de manière plus précise le conflit, peu de gens connaissent les enjeux et les éléments autour de cette guerre civile, les rues aux trottoirs coloriés suivant les options politiques, les diverses factions protestantes... Liam McIllanney replace ici, de manière intelligente, tranquille, et sans lourdeur les arrière-plans de ce conflit. À côté de l'IRA, le rôle des protestants dans le conflit, les groupes terroristes liés à cette fraction de l'Irlande, sont des éléments souvent négligés (à part peut-être chez Colin Bateman), de même la proximité, les liens géographiques historiques et religieux entre l'Ulster et l'Écosse sont ici présentés de manière prenante et crédible au sein de l'intrigue.
À l'intérieur de cette histoire, les liens entre les fractions, les milieux politiques traditionnels, les éléments criminels de la société constituent la trame de fond. On croise des politiciens qui veulent faire oublier leur passé plus extrémiste, des criminels prêts à s'allier à n'importe quel clan, des policiers qui sous couvert d'anti-terrorisme oublient de regarder les crimes commis par leurs indicateurs ou, pire, les couvrent, des journalistes qui trichent un peu avec leur conscience pour sauver leur journal et leur place.
Ce roman nous montre les troubles - encore aujourd'hui - de l'intérieur. À un moment, le journaliste doit aller rencontrer un témoin et se retrouve au milieu d'une manifestation orangiste or il est alors reconnu comme un "ennemi". Nous sommes entrainés en quelques secondes dans la peau du malmené, coincé dans sa voiture. Plus tard, lorsqu'il est à nouveau victime d'une agression, les coups qui s'abattent sur lui sont aussi ceux que nous recevons tous comme l'odeur nauséabonde des vomis qui nous assaille : c'est un roman irlando-écossais, donc on boit.
Servi par une histoire qui ménage quelque effets et rebondissements, Les Couleurs de la ville est écrit à hauteur de ses personnages. Pas d'envolées sur la guerre civile et la gloire de ses combattants, mais de longs panoramiques sur des petites gens : la famille d'un homme abattu dans un bar par erreur, un combattant protestant qui a fait son temps de prison sans parler et ressort pour s'apercevoir que toutes les bonnes places ont été distribuées, un policier de campagne qui doit encore se coucher sous sa voiture pour voir s'il n'y a pas une bombe, bref toute cette humanité qui fait le sel des grandes histoires noires de notre temps.
Citation
Comment pouvait-on espérer convertir les gens à sa religion si l'on était même pas capable de rincer une bouteille de lait ?