Empereurs des ténèbres

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Roman - Noir

Empereurs des ténèbres

Historique - Assassinat MAJ vendredi 18 juin 2010

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 24 €

Ignacio Del Valle
El Tiempo de los emperadores extranos - 2006
Traduit de l'espagnol par Elena Zayas
Paris : Phébus, mai 2010
368 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-7529-0399-0

Dans la Russie glaciale, au cœur de la Division Azul...

Quand le sergent Espinosa découvre l'homme gelé parmi les chevaux pétrifiés par le froid, dans la rivière, il désigne un soldat et lui donne l'ordre de ne laisser personne approcher. Il s'éloigne prévenir sa hiérarchie. Le soldat examine le cadavre et découvre qu'il a été égorgé, qu'il porte, scarifiée récemment sur une clavicule, l'inscription : "Prends garde, Dieu te regarde." Le soldat est convoqué au QG de la Division Azul, sur le front de Leningrad. Le lieutenant-colonel Navajas del Rio, trois officiers dont un Allemand qui assure la liaison avec l'état-major de la Wehrmacht le reçoivent. Del Rio dévoile qu'ils n'ignorent rien de lui, en donnant à Arturo Andrade son ancien grade de lieutenant et rappelant sa condamnation à mort commuée. Si le colonel veut lui confier la charge de retrouver le meurtrier, les autres officiers sont réservés sur ses capacités. Ce dernier convainc le groupe en faisant la démonstration de son habilité à repérer les détails. Pour mener à bien sa mission, il sollicite l'assistance du sergent Espinosa dans son enquête. Commence alors, pour les deux hommes, des recherches dans des conditions extrêmes où seules l'intuition et la réflexion permettent de progresser. Arturo découvre que cet homme était propre corporellement, dans cet environnement glacial qui réduit l'hygiène corporelle au strict minimum. De plus, aucune trace de sang ne tachait ses vêtements. Peu à peu, par bribes, Arturo se fait une idée sur le déroulement du meurtre, de la personnalité du mort, subodorant des démons intimes qui le poussaient à l'alcoolisme et à pratiquer la violeta. Mais le danger est présent sur tous les fronts, y compris à l'intérieur de la division où s'affrontent des clans qui protègent leurs secrets. Et puis, un second meurtre se produit dans un asile psychiatrique proche de leur cantonnement, un autre homme égorgé qui porte sur le pectoral gauche : "Prends garde, il te regarde."

Ignacio Del Valle place son intrigue dans la grande Histoire. Il prend pour cadre la division Azul, un corps de volontaires envoyé par Franco pour renforcer les armées de son ami Hitler, à qui il est redevable. Cette division, composée de phalangistes qui voulaient continuer leur croisade contre le communisme et de militaires de carrière, a compté jusqu'à quarante-six mille hommes. Elle fut placée, par l'état-major allemand, aux endroits exposés du front russe. C'est dans ce contexte de danger et de mort permanentes que le héros doit retrouver un assassin retors.
L'auteur dépeint avec minutie, à travers quelques personnages significatifs, les courants qui composent cette armée, assemblage d'individus au passé et aux motivations fort disparates. Il compose, ainsi, des personnages aux profils torturés, des êtres tourmentés par leur situation, par les réminiscences d'un passé houleux et douloureux et par le voisinage quotidien de la mort. Dans cette antichambre de l'enfer, dans un univers de folie, au cœur de l'hiver russe, il s'attache à dépeindre les souffrances des hommes, leurs façons de survivre, leur attachement à des détails souvent insignifiants qui prennent une dimension particulière.
Ignacio Del Valle ironise sur le fondement même de son livre en faisant penser au médecin légiste qui examine le cadavre : "Pourquoi se soucier d'un mort quand des millions d'hommes sont en train de se massacrer ?"
Il donne à son récit un rythme narratif lent, avec de longs passages descriptifs, explicatifs, (mais jamais ennuyeux) le rythme que l'on a quand on est engoncé dans une masse de vêtements pour lutter contre un froid intense. Il mène un travail remarquable sur l'écriture, use d'un vocabulaire soutenu et d'un choix d'images, des images fortes et pertinentes où il distille ironie et humour acide sur les réalités et la nature de l'existence. Il faut saluer la performance d'Elena Zayas, pour sa traduction qui relaie toute la richesse du livre.
Dans le présent roman, l'auteur relate la seconde enquête d'Arturo Anglade. Celui-ci est déjà le héros de El Arte de matar dragones, paru en 2003. Il mène, dans El Demonios de Berlin, (paru en 2009 en Espagne) une nouvelle traque dans le Berlin de l'année 1945 - à traduire absolument !
Empereurs des ténèbres, est un livre superbe (au titre qui s'inspire d'un écrit de Manuel Azanã) par la richesse de sa galerie de personnages, par la profondeur des caractères, par le cheminement de l'enquête et par les différents aspects de l'âme humaine, de sa noirceur à sa rédemption.


On en parle : La Tête en noir n°148

Nominations :
Prix des lecteurs Ancres noires 2013

Citation

... étant soupçonné d'appartenir à une mystérieuse loge, connue sous le nom de Cibelès et accusée par le régime de tous les crimes commis en Espagne depuis le fratricide de Caïn.

Rédacteur: Serge Perraud mardi 15 juin 2010
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