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Ma vie des autres (280)
Courts récits de 1000 signes. 280 : souvenir de guerre. Tom m'aide à descendre de la voiture. Il me soutient pour que je puisse tenir debout en ce lieu qui a marqué ma vie. Les médailles cliquètent sur ma poitrine. Je suis un héros de guerre sur le point de crever. Ici, j'ai vu mes copains tomber. Juste je sortais de la ferme qui est encore là. Je reconnais parfaitement l'endroit. On s'est battus avec les Boches, ça a été un vrai carnage. À la fin, j'étais tout seul, mais j'ai réussi à faire sauter le bunker. Une mémé s'approche de nous. Elle n'a pas de bouquets comme les fillettes que je rencontre depuis trois jours dans les villes que l'on a libérées sous la bannière étoilée. Une survivante de l'époque sans doute qui vient me voir pour me remercier de ce que j'ai fait. Je ne suis plus aussi fringant qu'avant, mais j'essaie de faire bonne figure. J'ai toujours aimé plaire aux dames. Cette vieille va vouloir m'embrasser. Erreur. Elle me crache dessus ! Elle me gueule dessus en français ! Je flagelle sur mes quilles déjà pas très stables. Sans Tom, je tomberais. Je crois la reconnaître, cette salope malgré les méfaits du temps. Je l'ai violée dans la ferme pendant que le sergent s'occupait de la mère. De l'autre côté du bourg, un GI s'est soulagé avec une autre fille et l'a même tuée par mégarde. Lui, il a été pendu. Il était noir.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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