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Désormais arrosé d'une lumière crue, le cadavre exhibait la sauvagerie dont il avait fait l'objet. Le sang presque séché avait noirci par terre et des traces rouge vif se détachaient en éclaboussures et en giclées sur le flanc d'un des conteneurs verdâtres.
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jeudi 10 octobre

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Thrillermania : c'est le Bocquet

Samedi 10 avril 2010 - 18 h 45. Au premier étage du Palais du Commerce de Lyon, plus une seule chaise de libre dans la salle Jacquard. La conférence "Premiers pas dans le Polar" va commencer. Au centre, le lauréat du prix "Thrillermania", Olivier Bocquet. À sa droite, Maxime Chattam et à sa gauche, Franck Thilliez, les parrains de l'édition. Deux monstres du genre, de quoi être impressionné et légèrement prostré. Je m'attends à des propos un peu hésitants et du bafouillage. Le débat commence. Surprise. Olivier Boquet est super à l'aise. Il devise avec humour, répond aux chambrettes de Maxime Chattam, le vanne à son tour. Il fait preuve d'un flegme so british. J'applaudis la performance et piaille d'impatience de l'interviewer. La conférence terminée, direction le Bar du Polar, pour le cocktail organisé à l'occasion. Avant qu'il ne soit happé par la foule en délire, je me précipite sur lui pour poser les quelques questions qui me brûlent les lèvres. Le champagne attendra.
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© D. R.



k-libre : Salut Olivier. Pour commencer, quel effet cela fait d'obtenir un prix pour son premier roman et d'avoir pour parrains Maxime Chattam et Franck Thilliez ?
Olivier Boquet : C'est assez impressionnant en fait. Je ne me rendais pas vraiment compte. Une copine avec qui je discutais, me disait tout à l'heure "Tu as l'air tout le temps surpris". Je trouve ça super sympa qu'ils se prennent au jeu comme ça, qu'ils discutent avec moi. Je travaille beaucoup dans l'audiovisuel, et dans l'audiovisuel il n'y a que des stars. Là, on a à faire avec des personnes ouvertes, accessibles et qui sont prêtes à m'accueillir. C'est cool quoi !

Je repousse du pied une des groupies d'Olivier, alors qu'elle rampait vers lui, un exemplaire de son livre à la main.

k-libre : On te dit que tu parais tout le temps surpris. Pourtant je t'ai trouvé plutôt à l'aise, et pas du tout impressionné...

Olivier Boquet : Je viens d'un métier où je suis derrière la caméra, et même si on n'est pas sous le feu des projecteurs, on a l'habitude d'aller à l'essentiel. La vérité, c'est que la première fois que j'ai parlé de mon roman, j'étais avec Laurent Boudin (Ndr. Directeur éditorial de Pocket). On allait voir la fille qui devait faire la couverture du livre. Je lui explique ce qu'est le roman pour qu'elle ait une idée de ce qu'elle pouvait faire comme couverture. Et je me suis lamentablement emmêlé les pinceaux. J'ai été incapable de lui faire une description compréhensible. Heureusement, Laurent était là et a rattrapé le coup. Je n'étais pas calme. Alors qu'il suffit d'être calme et de répondre posément. Là c'était le cas. En plus, on avait le temps de réfléchir pendant que les autres parlaient.

k-libre : Pour en revenir à ton roman, même si lors de la conférence tu disais que tu l'avais écrit chapitre par chapitre pour impressionner ta copine de l'époque, est-ce que tu as eu le sentiment que tu créais un nouveau genre dans le monde du thriller ?

Un cordon de sécurité commence à se former pour empêcher les femmes hystériques de se jeter au cou de mon invité. Juste avant de commencer à répondre, il reçoit un string en plein visage qu'il retire comme si de rien était. So british je vous avais dit.

Olivier Boquet : Non, pas du tout. En fait, quand j'ai écrit ce roman, je croyais que ce serait de la littérature blanche. C'est le concours qui l'a placé dans le thriller. J'avais pas du tout prévu qu'il fasse partie d'une collection noire, thriller ou polar. Il se trouve qu'il est là, et du coup, probablement qu'il détone. Laurent Boudin disait que j'avais rempli le cahier des charges, sans respecter aucun des codes du genre.

k-libre : En tout cas, ça à l'air de marcher. On a vu tout à l'heure sur le stand que les exemplaires partaient comme des petits pains.
Olivier Boquet : Il parait que c'est le monde du polar qui veut ça. On dit que les lecteurs de polar sont plus curieux que la moyenne et ont très envie de découvrir de nouveaux auteurs.

k-libre : On dit aussi que les lecteurs de polar sont essentiellement des femmes. Ça aide ?

Tout autour de lui s'amoncelle un panaché de strings, soutiens-gorge et autres sous-vêtements féminins lancés par des fans en furie. Il a du succès le bougre.

Olivier Boquet : (Rires.) Peut-être. Ma mère est une femme et a lu beaucoup de polars. (Il change de sujet et d'un habile mouvement de tête évite de justesse une culotte Petit-Bateau Inébranlable. Je m'attendrais presque à l'entendre demander une tasse de thé.) Le truc avec le polar, c'est que lorsqu'il trouve un auteur, le lecteur épuise tout son répertoire, donc il a vite besoin de renouveler son stock. Alors le fait d'avoir le petit bandeau disant que j'ai été élu par plus de 40.000 internautes, peut-être que ça aiguise leur curiosité.

k-libre : Quelque chose de frappant au niveau de tes personnages, c'est qu'ils ont tous une psychologie, un langage très travaillés. Ils ont chacun une identité propre. Ce qui se ressent au niveau des dialogues, chacun avec ses propres codes.
Olivier Boquet : Ça, c'est quelque chose que les Américains font très bien et qu'on perd à la traduction. Quand on lit un roman américain, s'il s'agit d'un américain avec un accent du sud ou du Dakota, ils vont carrément écrire le dialogue de manière phonétique. Comme c'est difficilement transposable, tout ça dégage lors de la traduction. Dans le cas d'Elias, le grand black, c'est le genre de type qui fait tache à Fontainebleau. Donc je voulais qu'il fasse tache. Visuellement tache. C'est pour ça que j'ai écrit ses dialogues de manière phonétique. Pourtant ça se lit, et je pense que c'est assez fluide, mais je voulais que ce personnage ressorte. C'est aussi un challenge que je m'étais fixé. Je voulais raconter à chaque chapitre l'histoire d'un point de vue différent, tout en m'adaptant à l'âge des personnages. Je pense que la psychologie d'Éva, qui va chez son psy, est vachement dictée par son langage qui est assez tenu, assez poli. La lycéenne, elle, est dans la folle énergie de la pulpe, de ses hormones qui jouent à fond, et il fallait traduire tout ça. Surtout que pour elle, je la fais parler dans son journal intime, à la première personne. Du coup, si tu relis le début, le premier extrait de son journal, et que tu prends le dernier, tu vas voir le chemin qu'elle a parcouru, juste par la façon dont elle écrit. Pour moi, l'écriture est importante dans un roman. Il n'y a pas que la structure, il n'y a pas que l'histoire. C'est pour ça que c'est un roman. L'écriture dit des choses sur les personnages, joue sur la façon dont ils s'expriment.

k-libre : Même si ce n'est que le début, on voit bien l'engouement qu'il y a pour ton roman. Est-ce que cela te motive pour continuer dans le genre ?
Olivier Boquet : En fait, c'est Laurent Boudin qui le premier m'a dit "Bon, maintenant faut en écrire un autre". Et moi, je n'avais pas prévu d'écrire un autre polar, d'autant plus que je ne savais même pas que le premier était un polar. J'avais une autre histoire, et je lui en ai parlé. Je lui ai dit : "Toi qui en a lu des centaines, est-ce que tu sais si ça s'est déjà fait ?". Et il m'a répondu : "Non seulement ça ne s'est jamais fait mais c'est génial. Vas-y fais le". Je l'avais mis un peu en toile de fond jusque-là. Et maintenant, le fait que le livre soit devenu concret, que je reçoive les épreuves il y a quelques semaines, ça m'a relancé. L'écriture est devenue beaucoup plus intense et beaucoup plus sérieuse. Donc, oui. Ça a tendance à me motiver pour la suite.

k-libre : Donc tu es en train de bosser sur un deuxième roman. Tu peux nous donner le thème ?
Olivier Boquet : (Rires.) Écoute, c'est une tellement bonne idée que j'hésite à te laisser publier cette info.

k-libre : Secret Défense ?
Olivier Boquet : Pour le moment oui. Le pitch est assez simple en fait. Il tient en une phrase. Mais j'aimerais être le premier à l'écrire. Je veux bien t'en parler, mais offline.

Je coupe, et je l'écoute me parler de son projet qui promet d'être un vrai bijou. Il me prend l'envie irrésistible de jeter mon caleçon à ses pieds. Je me contrains à réfréner mes pulsions.

k-libre : J'ai une dernière question. Dans ton bouquin, il n'y a pas vraiment d'intrigue puisqu'on connaît la fin dès le départ, et on va découvrir au fur et à mesure tout le cheminement qui va nous y mener. Un peu à la Columbo. Cela a été une référence pour toi ?
Olivier Boquet : Ce n'est pas fait exprès. Logiquement, le début du livre devait être le dernier chapitre. Et quand je l'ai relu, je me suis dit "Allez je prends, je le mets au début". Mon histoire, ce n'est pas qui a fait quoi. On sait à chaque instant où sont les personnages, ce qu'ils font où ce qu'ils vont faire. La seule question qu'on se pose, c'est : Pourquoi ça va foirer et comment ça va foirer. Le livre est entrecoupé de faits divers, et je me suis dit : "Voilà, je vais d'abord mettre le résultat et ensuite je vais dérouler la pelote". Parce que c'est vrai, comment une ville peut être inondée de boue avec des billets de cinq cents euros qui sortent des égouts ? On sait la fin, mais on ne la connaît pas vraiment. Qu'est-ce qui s'est passé ? Je trouvais tout simplement que c'était un meilleur début. Donc pour répondre à ta question, je n'ai pas du tout pensé à Columbo. C'est venu après.

L'interview est à peine terminée qu'une hôtesse accourt vers nous et plus précisément vers Olivier, avec deux flûtes de champagne. Elle fixe Olivier dans les yeux et commence à dégrafer son soutien-gorge. Quand je vous disais qu'il avait du succès.


Liens : Olivier Bocquet | Turpitudes Propos recueillis par Fabien Hérisson

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