L'Ange et le loup

On ne lit pas le Liber Animorum. C'est lui qui vous lit ! Il soupèse votre âme et, s'il lui trouve des défauts, il la dévore. Ce qui reste ensuite, c'est le mal à l'état pur.
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samedi 20 avril

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Roman - Policier

L'Ange et le loup

Social - Assassinat MAJ dimanche 28 novembre 2010

Note accordée au livre: 2 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 6,5 €

Patrice Pelissier
Riom : De Borée, octobre 2010
256 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-8129-0222-2
Coll. "Terre de poche"

L'argument criminel dans nos campagnes profondes

Dans cette collection poche de romans de terroir aux couvertures ornées des invariables vieilles bâtisses campagnardes aux pierres chaudes photographiées sur fond de champs et de cieux bleus, sont parus les meilleurs auteurs du genre comme Michel Peyramaure, Marie Rouanet, Eugène Le Roy, Christian Laborie, Jean Anglade, Laurent Cabrol ainsi que les classiques Maxence Van Der Meersch, George Sand et même Robert Louis Stevenson pour son fameux Voyage avec un âne dans les Cévennes. Aujourd'hui c'est Patrice Pelissier qui entre dans la collection.
Titulaire d'une maîtrise de droit, libraire, attaché de presse en édition puis chef de publicité dans un groupe de journaux, il a publié cinq nouvelles dans le journal La Montagne avant de se lancer dans la rédaction de L'Ange et le loup.

L'intrigue policière peut souvent s'avérer intéressante dans le roman du terroir. Il faut dire que les passions et les rancœurs campagnardes n'ont rien à envier à celles de nos villes. Au contraire ! Il suffit de lire justement les "Grandes Affaires Criminelles" dans une autre des collections de De Borée pour se rendre compte que la campagne, avec ses servantes et ses domestiques plein de sève, ses fermiers avares et ses fermières reines de l'arsenic, constitue un environnement propice au crime violent. Car les armes y sont naturellement nombreuses. Outre les habituelles haches, serpettes et marteaux, il y a des mares profondes et des ravins vertigineux, des taureaux irascibles et des produits soit disant contre les rats ou les coccinelles. Voilà pour les armes. Quant aux lieux de cachette de cadavre(s), il n'y a qu'à tendre le bras : un fossé, un grenier dans l'une des nombreuses dépendances, un puits, une fosse à purin ou des forêts insondables. Et pour les motifs du crime, si l'on enlève la violence due à l'alcool, l'infanticide, la haine ancestrale, il reste l'appât du gain ou plutôt l'intérêt (par héritage ou par achat) de terres et de fermes pour agrandir son patrimoine.

Patrice Pelissier n'a pas voulu inscrire son livre dans ce courant passéiste. Son livre débute en 1996 à Estain, village perdu au cœur du massif du Sancy, sans âme, sans richesse architecturale (les maisons sont plutôt du style années 1960), où les gens se connaissent sans se rechercher. Les commerces meurent lentement quand survient une tragédie. L'habitante de la "fermette aux volets bleus" est retrouvée, par le facteur, lardée de coups de couteau, sa fille de onze ans Mathilde ayant disparu ainsi que le compagnon de la mère, un marginal tatoué et ivrogne. Le village va s'unir pour une battue et pleurer quand on retrouvera le corps de la gamine tout aussi lardé que celui de la mère. Le compagnon, lui, s'est pendu un peu plus loin.
Dix ans plus tard, presque à la même date, trois jeunes animateurs et dix gamins vont aménager dans la "fermette aux volets bleus" et déclencher une sorte de répétition générale qui va permettre au héros d'extérioriser le secret qu'il portait en lui.

L'Ange, c'est bien sûr la victime que le fermier voisin, Serge Deltour, va prendre sous son aile protectrice. Ce bon gars de deux mètres est marié à Myriam, a deux petites filles et un troupeau de Salers. La famille vit dans la ferme du grand-père (rebaptisée "la Ferme d'Aurélien", prénom du grand-père, ce qui fait un tantinet ridicule quand on ne vend pas sur place des confitures ou des paniers bio), toute proche de la fameuse "fermette aux volets bleus" où souffre la pauvre jeune Mathilde. Outre le fait qu'il semble impossible que des gens de la campagne appellent une ferme ainsi depuis plusieurs générations (ce sont souvent des lieux-dits voire les noms des anciens propriétaires qui servent de référence) on peut rendre justice à Patrice Pelissier pour nous prouver que la petite fille n'est pas gâtée par sa cellule familiale : maman se fiche d'elle au point de mettre à la poubelle ses adorables bouquets et beau-papa qui a des yeux de loup tatoués sur la poitrine (?) passe son temps à les frapper (la fille et la mère). Le grand Serge a tenté d'avertir le maire sur le danger mais on ne l'a pas écouté. Serge, va mettre en place une veille auprès de la gamine ce qui ne va pas empêcher le drame que l'on sait.
Et dix ans plus tard, les peurs diffuses reviennent, augmentées d'autant plus par l'arrivée d'un jeune journaliste qui vient faire un article-mémoire sur l'affaire...
En fait, après les échecs répétés du journaliste face à quelques habitants (dont le maire), quelques flashbacks où Mathilde encore pleine de vie découvre un coucou avec son grand Serge qui en profite pour lui faire une leçon d'histoire naturelle teintée de poésie, on arrive enfin à l'orage qui va provoquer la panique de trois enfants fugueurs de la colonie.
Le secret va être dit par Serge et, par là-même provoquer la libération de son être qui souffrait depuis si longtemps.

L'auteur joue à fond la carte du "terroir", de la romance campagnarde, familiale et asexuée mâtinée de données sociologiques, poétiques et psy sans lesquelles tout romancier actuel est un romancier mort. Il connaît aussi les vertus des chapitres et des paragraphes courts qui témoignent au moins d'une certaine concision et d'une construction. Il met des titres explicites, voire scolaires, à ses chapitres pour que ses lecteurs suivent bien le processus et respirent le parfum de "la belle rédaction". Le romancier donne aussi son avis au cours de sa narration (narrateur omniscient) ce qui fait redondance (mais permet de bien mémoriser les données pour ceux qui ont peur d'Alzheimer) et court-circuite les attitudes des personnages qui auraient eu à gagner de plus de sécheresse pour se développer. Grâce aux flashbacks l'auteur nous fait revivre les promenades du fermier et de sa mignonnette aux yeux pétillants de gaîté qui découvre, émerveillée, les marmottes, les chouettes et les fleurs des prés. Adoptant un rythme lent (on est à la campagne), il nous présente les personnages par le menu, en nous détaillant leur passé depuis leur naissance jusqu'à leur situation actuelle (sans oublier les BTS) ce qui nous mène au milieu du livre quand l'intrigue réelle débute.
Les personnages sont entiers, c'est le moins que l'on puisse dire : il y a les gentils et les méchants. D'ailleurs certains passages voudraient instaurer une ambiance de conte. Le beau-père aux yeux de loup tatoués sur la poitrine en est un bel exemple. D'habitude, dans n'importe quelle bleuette policière, on procède à l'autopsie de la victime et l'auteur livre les résultats. Ici, pas de détails aussi horribles : on ne saura donc pas si l'Ange se faisait violer par le Loup. Ce ne sera même pas évoqué. Bref, l'argument policier ne tient la route que parce que l'on sait que le héros a un secret et que cela doit remettre en cause la thèse officielle. Alors on tient, vaille que vaille, en suivant cette intrigue linéaire, aussi lisible qu'un téléfilm. On croit même voir un flou hamiltonien pendant les flashbacks, auréolant les cheveux blonds de Mathilde dansant dans les champs de marguerites.

Citation

'Oh oui Mathilde, tu seras le plus beau des oiseaux', lui répondait, bouleversé, Serge.

Rédacteur: Michel Amelin jeudi 25 novembre 2010
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