Le Monstre de Florence

Il avait encore tué la mauvais personne ! Encore un mort pour rien. Il le voulait ce tableau, maintenant, il le voulait plus que tout, il était prêt à mourir pour l'avoir. Il avait l'impression que le récupérer effacerait toutes les erreurs de ces dernières semaines, toutes ces morts contre-productives, et qu'il pourrait enfin rentrer chez lui.
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mardi 16 avril

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Essai - Thriller

Le Monstre de Florence

Tueur en série MAJ lundi 11 juillet 2011

Note accordée au livre: 5 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 7,6 €

Douglas Preston & Mario Spezi
The Monster of Florence - 2008
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Sebastian Danchin
Paris : J'ai lu, mars 2011
414 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 978-2-290-02835-3
Coll. "Policier", 9544

Maître du thriller sur les traces d'un vrai monstre

On se rappelle le coup de maître de Kate Summerscale avec L'Affaire de Road Hill House (en poche chez 10-18 dans la collection "Domaine étranger") où l'auteur parvenait à transformer son travail d'historienne en récit dynamique grâce à une enquête pointue sur les archives de ce crime victorien coïncidant avec la naissance du roman policier moderne. Le chapitre supplémentaire pour l'édition de poche ajoutait une note saisissante : un lecteur lui faisait parvenir une image d'époque où tels des fantômes, l'auteur distingua avec une loupe des figures derrière une fenêtre, celles de quelques personnages dont elle venait de retracer la vie et qui, par la magie de son livre revenaient ainsi dans la vie contemporaine. C'est un peu le même phénomène qui arrive à Douglas Preston (auteur de techno-thrillers et de gros pavés à l'américaine en collaboration avec Lincoln Child) mais avec un impact beaucoup plus fort sur son vécu. En cela, cet ouvrage de non-fiction est à marquer d'une pierre blanche.

En 2000, de façon à préparer son nouveau thriller qu'il compte faire se dérouler à Florence pendant les inondations et à partir d'un tableau mystérieux de Masaccio, Douglas Preston, sa femme et ses deux enfants aménagent dans une maison sur les hauteurs de Florence dans le village de Giogoli.
Pour se familiariser avec les méthodes policières italiennes, il prend contact avec Mario Spezi, un journaliste du quotidien toscan "La Nazione". Après lui avoir demandé où il habite, Spezi mentionne que le terrain adjacent de la maison, un champ d'oliviers, a été le théâtre, en 1983, de l'un des crimes du "Monstre de Florence". Preston n'a jamais entendu parler de cette histoire ce qui étonne Spezi car les profileurs du FBI ont été consultés et l'auteur Thomas Harris s'en est inspiré pour son livre Hannibal. Ridley Scott est même venu sur les lieux pour tourner le film. Preston fasciné, va mettre de côté son scénario de thriller et plonger dans une histoire incroyable.
Après une introduction de Preston qui détaille son arrivée et ses motivations, le livre est séparé en deux parties. La première, du point de vue de Spezi, établit l'historique de cette retentissante affaire criminelle. "Entre 1974 et 1985, sept couples – soit quatorze personnes – ont été assassinées alors qu'ils faisaient l'amour dans leur voiture au milieu des collines qui entourent Florence". L'assassin se sert toujours de la même arme, un Beretta calibre .22 dont le percuteur usé laisse une marque particulière sur le culot des douilles. Après avoir tué l'homme, il tue la femme, la traîne hors de la voiture, et lui découpe le bas-ventre pour emporter le vagin et quelques fois un sein. Spezi qui s'instaure, dès le début comme le spécialiste du "Monstre", détaille les errements de l'enquête confiée aux carabiniers puis à la police. Il a accès à toutes les scènes des crimes et à des rapports confidentiels. Il devient obsédé par cette affaire. Une piste sarde est suivie grâce aux deux frères Vinci qui ont trempé autrefois dans un "crime d'honneur" en Sardaigne et où le Beretta semble avoir fait son apparition. En 2000, date de l'arrivée de Preston, la piste sarde a été abandonnée depuis près de vingt ans après que les deux frères soient passés en procès. Plusieurs personnes alcooliques et handicapés mentales ont finalement été condamnées suite à des témoignages douteux. La thèse du commissaire Guittari qui a repris l'enquête en 1995 est inébranlable : ce groupe était à la solde de notables adeptes d'une secte satanique ayant besoin de ces restes humains pour ses cérémonies. Guittari, sous l'influence d'une illuminée, Gabriella Carzilli, une spécialiste du "Monstre" elle aussi, travaille à raccrocher à cette thèse le meurtre d'un prince et le soi disant suicide d'un riche et jeune gynécologue. Pour lui et le procureur de Pérouse, ces deux hommes ont été tués parce qu'ils en savaient trop. Spezi ne croit pas une minute à ces délires et lutte contre Mme Carzilli qui a créé un site Internet et apparaît souvent à la télévision.

Preston, dans la deuxième partie du livre, part à son tour au combat. Il écrit une enquête détaillée pour le New York Times qui ne sortira jamais en raison des attentats du Word Trade Center en 2001. Preston décide donc d'écrire un livre qui doit paraître en Italie pour contrer ceux publiés par les policiers et les magistrats. Nous suivons la genèse du livre et les manœuvres du commissaire Guittari et du procureur Mignini pour mettre en échec Preston et Spezi. Qui est à l'origine des fausses révélations du truand qui affirme avoir trouvé le repaire du "Monstre" où sont conservées (depuis trente ans !) l'arme et de mystérieuses boîtes en fer ? Preston reste très vague sur le sujet. Mais il a été piégé car il est allé sur les lieux sans oser entrer dans la masure. Il est cuisiné et Spezi qui l'accompagnait et dont la voiture était truffée de micros et de GPS, après moult perquisitions, est flanqué en prison. Interdit en Italie, Preston doit rentrer dans sa ferme du Maine. Là, il reçoit des mails délirants de Gabrielle Carlizzi, la profileuse new age qui a l'oreille du procureur. Avoir sous les yeux les écrits d'une adepte de la théorie du complot qui veut séduire Preston et le gagner à la cause du procureur est un grand moment littéraire. Spezi sera libéré, le livre paraîtra, le procureur et le commissaire perdront la partie mais le "Monstre", même s'il est bien indiqué entre les lignes, ne sera pas inquiété.

Voilà un document exceptionnel couvrant une immense période de 1951 à 2008 ! Pour cette raison, Preston, dans une écriture relativement plate, raconte les faits. Ses écarts historiques et personnels quand il parle de son installation en Italie et des gens qui vont l'aider sont bienvenus. La dernière partie sur la lutte des pouvoirs est plus ardue mais indispensable pour saisir le courant souterrain du "mal" qui s'enroule autour de Spezi et de Preston et, par là même, les obscures forces qui pervertissent la justice italienne.

Citation

C'est à la même époque que je commence à saisir la nature de ma fascination pour l'affaire du Monstre. Depuis vingt ans que j'écris des romans dans lesquels le meurtre et la violence figurent en bonne place, je n'ai jamais véritablement réussi à comprendre les mécanismes du mal.

Rédacteur: Michel Amelin lundi 11 juillet 2011
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