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Je tue les enfants français dans les jardins
Grand format
Inédit
Tout public
Sombrer dans l'éducation
On allume la radio de bon matin. Deux faits divers concernent des professeurs : dans le premier, un peu perturbé parce qu'on lui refuse un port d'arme, un professeur tue une policière avec son sabre ; dans le second, l'enseignante s'immole par le feu dans la cour d'un établissement... En eux-mêmes, ces deux évènements pourraient être un bon point de départ pour un néo-polar teigneux ou une enquête socio-poétique écrite par le regretté Thierry Jonquet. Et puis il y a Lisa, qui débute dans le métier. Professeur d'italien, elle vient d'être mutée dans un collège de la banlieue. Son métier oscille entre des élèves qui n'ont pas envie d'être là, figés dans leurs croyances, leurs certitudes et leur no future jouissif généralisé, des collègues qui essayent d'éviter au maximum les ennuis et une administration que n'aurait pas renié Ponce Pilate. Au centre de Je tue les enfants français dans les jardins, roman de Marie Neuser, un souvenir remonte à la surface : enfant, elle a vu son père, professeur, passer au milieu des élèves et être assuré de leur respect. Elle, elle doit éviter les crachats et les couteaux.
Description sèche, ponctuée de scènes fortes et où l'on sent sinon le vécu, du moins une information à de bonnes sources, le roman est tendu jusqu'à un final glaçant, implacable, comme une machine de guerre, un rouleau compresseur inexorable. Même s'il s'agit d'un condensé d'expérience, en quelques lignes, Marie Neuser propulse le lecteur au cœur de son intrigue, sans moralisme, sans fioritures. En fermant le livre, troublé, en allumant la radio, on se dit que, toute comparaison gardée, Lisa a choisi la solution la plus logique, la plus humaine pour s'en sortir, ce qui ne peut que prolonger le trouble, car le final est d'une noirceur confondante. Je tue les enfants français dans les jardins est un terrible roman noir, construit comme une tragédie classique, tendu vers sa fin inexorable, comme une voiture qui fonce dans un mur, comme des lemmings qui se précipitent pour se noyer, comme nos sociétés qui courent à l'apocalypse au son joyeux des sonneries de portables, comme pour prouver que les deux faits divers ne sont que la face émergée d'un gigantesque iceberg.
Nominations :
Prix des lecteurs de Villeneuve lez Avignon 2012
Grand prix de la littérature policière - roman français 2012
Citation
Le premier geste de Samira, au moment où elle pénètre dans ce temple de l'instruction gaspillée comme perles aux cochons, est de dégrafer le voile sous son menton et de l'enlever avec ce soulagement qui évoque celui de l'innocent à qui l'on ôte les menottes.