Le Zéro

Ce sous-bois crépusculaire la plongea au milieu des ténèbres. La faute à ces conifères, à ces inextricables conifères sous qui rien ne pousse, qui retiennent tout, la lumière et le froid comme le temps qui s'écoule, la bruine et le silence des secrets enfouis ; ici, la nuit ne tombait pas du ciel, elle montait du sol.
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Roman - Noir

Le Zéro

Politique - Terrorisme MAJ jeudi 19 janvier 2012

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21,5 €

Jess Walter
The Zero - 2006
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Julien Guérif
Paris : Rivages, janvier 2012
314 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-2296-1
Coll. "Thriller"

Terrorisme à double lecture

Au presque tout début du roman policier, Gilbert Keith Chesterton, un auteur excentrique,avait su se faire remarquer. Anglais, d'éducation catholique, il avait inventé un détective qui voulait faire la nique à Sherlock Holmes, reprenant le même esprit de déduction, mais en y installant une rationalité qui pouvait faire appel au divin... Chesterton très impliqué dans son époque s'occupait aussi des "terroristes" qui défrayaient la chronique : les anarchistes. Dans Un nommé Jeudi, il montrait les services de police infiltrant une organisation dangereuse et leur infiltré se trouvait confronté à la raison d'État.
Aujourd'hui, les terroristes sont plus exotiques. Le Zéro du titre fait référence à Ground Zero, le cratère des restes des deux tours du Wall Trade Center de New York. Autour de ce traumatisme, Jess Walter construit une intrigue kafkaïenne. Pour bien faire, il s'attache à Brian Remy, un personnage central, flic blessé par la vie, et sujet à des crises d'amnésie (en fait cela se révèlera plus complexe à mesure que le roman se déroule) ce qui permet des allers-retours dans l'avant, le pendant et l'après crise du 11-Septembre. Cela permet aussi de créer des appels d'air entre les différents moments, avec une sensation d'irréalité et d'incompréhension, un sentiment qui ne se résoudra que dans les dernières pages.
Derrière le choc de l'événement, le roman s'avère noir car il montre l'horreur de deux types de réaction. Il y a tout d'abord le collègue du policier qui trouve super d'être à nouveau bien vu des citoyens et qui en profite par exemple pour obtenir des repas gratuits ou se faire gratifier de sourires, et qui devient même acteur de publicités. D'autre part, est exposé le cynisme des agences gouvernementales qui, n'ayant pas su gérer l'événement, décident de mettre les bouchées double pour trouver des terroristes, et, au besoin, en fabriquer (le tout autour de la rumeur qui a couru que certains ayant été prévenus de la menace qui pesait sur le WTC ont quitté les lieux quelques minutes avant l'explosion).
Jesse Walter prend un malin plaisir à nous immerger dans un interrogatoir excellement bien ficelé où il se joue de nous avec un certain brio. Brian Remy, son personnage central, doit assister à l'interrogatoire d'un suspect. Il découvre un homme torturé et essaye de l'aider. Ce dernier se confie à lui. Quelques minutes après, ils sont rattrapés et le policier est félicité car il a obtenu des informations que nul autre ne se sentait en mesure de découvrir. Le talent de l'écriture ne permet alors pas de savoir s'il a agi par compassion et a été dépassé par les événements ou si c'était un piège élaboré depuis le début...
Comme raconté dans un état fiévreux, Le Zéro est un roman noir, éminemment politique, qui raconte comment sous la pression des événements l'on bascule de la démocratie la plus ouverte à un État policier - avec, notamment, une utilisation des archives et des petits fonctionnaires qui appliquent les nouvelles règles qui fait froid dans le dos -, à travers le destin chaotique d'un héros sacrifié sur l'autel de la raison d'État.

Citation

Je racontais à mes étudiants que la compassion d'Allah est mentionnée 192 fois dans le Coran. Alors que sa vengeance n'apparait que 17 fois. Pourtant c'est toujours la vengeance qui retient l'attention. Tout comme ici. Vous prétendez suivre les préceptes d'un prophète de pauvreté et de compassion alors que vous construisez des temples à la gloire du pouvoir et de la richesse.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 16 janvier 2012
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