Nous étions le milieu

Les gens s'excitaient toujours autour d'un meurtre, se dit alors Sully, le téléphone à la main. Ils se comportaient comme si c'était le pire drame de la Terre, une chose qu'aucune société civilisée ne devrait tolérer... Et pourtant, la plupart des affaires restaient irrésolues parce que ceux et celles au courant refusaient de s'impliquer. Les assassins n'étaient pas particulièrement brillants. Ils tuaient simplement des individus dont personne n'avait grand-chose à faire.
Neely Tucker - À l'ombre du pouvoir
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

La Cité sous les cendres
Dix ans ont passé depuis que Danny Ryan et son fils ont dû fuir Providence et la vengeance d'une fami...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

lundi 07 octobre

Contenu

Mémoires - Noir

Nous étions le milieu

Braquage/Cambriolage - Gang MAJ lundi 14 mai 2012

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 19,9 €

Gilbert Béna
Paris : La Manufacture de livres, mars 2012
320 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-35887-033-7

Retiens ma nuit

Un truand, né en 1939, nous livre ses mémoires positives, jusqu'à un casse raté pourtant soigneusement préparé et une pirouette qui lui permet d'éviter une longue peine. Le "après" n'est pas mentionné (se lançant dans le trafic de drogue, il passe sept ans dans une prison italienne). Gilbert Béna, dit "Gibus", ou plutôt "Gib", nous conte l'époque bénie où les clones de Jean Gabin et Lino Ventura se réunissaient au Laetitia pour jouer aux cartes. "Les Corses à la retraite, pour la plupart tauliers de bars à gonzesses des rues avoisinantes, ne manqueraient pour rien au monde la partie de scopa. C'est un jeu de cartes d'origine italienne." La discrète Marcelle est l'hôtesse des lieux, mais non la proprio. Elle n'a pas son pareil pour mijoter un bœuf miroton ou une blanquette de veau quand les piliers ont un petit creux après les cartes et les bouteilles de champ'. Quant au narrateur Gib et à ses amis, ils partagent les dernières nouvelles de Pigalle et sortent parfois à deux pour échanger discrétos des plans de mauvais coups. Pour la plupart proxénètes, ces adeptes des bulles millésimées savent se serrer les coudes quand les Yougos ou les juifs pied-noirs comme les frères Zemour viennent rouler des mécaniques et tenter de mettre un pied dans leur turbin. Un coup de bigo de la tenancière et les voilà qui déboulent à quatre ou cinq avec des nerfs de bœuf et des calibres pour rosser les indélicats à coups de boule dans le nez (avec le cartilage qui craque), coups de crosse dans les incisives (qui tombent par terre) et coups de lattes dans les cotes. Notre narrateur dresse des portraits typiques, se balade dans sa BM et se rend souvent chez les "seins nus", c'est-à-dire les bars top-less qui se transforment vite en boîtes à partouzes où il y a toujours des croupes et des coupes à enfiler. Notre narrateur qui se lève à seize heures monte aussi des plans avec ses amis. Sa spécialité : les coffres-forts. Pour les atteindre, rien de tel que de passer par les caves et faire des trous...

Présenté comme des mémoires du début des années 1980, l'ouvrage de Gilbert Béna est avant tout un hommage à une période qui ne semble guère avoir changé depuis Albert Simonin et les films dialogués par Michel Audiard dans les années 1960-1970. On a son code de l'honneur, on s'aide et les condés ne sont pas dupes. Voici la scène où Gib et ses amis descendent à Perpignan en Jaguar pour tirer les oreilles au Victor qui s'est barré avec le fric des machines à sous. La femme et le fils de Victor clament leur innocence. Le fils, Jean-Louis, quinze ans, mène les truands chez un escroc qui se fait tabasser. Pour remercier leur jeune informateur, les truands organisent un racket dont Jean-Louis percevra dix pour cent. Le gamin, éperdu de reconnaissance, fond en larmes. Quant aux filles de joie, c'est assez sidérant. Depuis les rôles de Ginette Leclerc ou de Dany Carrel, il semble que rien n'a évolué. Elles sont toujours mignonnes, affables, effacées, disponibles, en nuisette ras la touffe pour accueillir leur mâle à n'importe quelle heure, bref, aucune n'a son mot à dire dans cette galaxie macho. Pour des mémoires, il y a peu de dates, peu de vrais noms, les chapitres sont longs et non numérotés, les scènes s'enchaînent mais sont peu développées. Certaines comme celles du hold-up dans le castel de Mme Billie, la reine des escort-girls, auraient mérité mieux que quelques pages. Serge Le Canarien, sosie de Paul Newman, séduit une bombe blonde ex-actrice autrichienne parlant cinq langues, recyclée dans la prostitution de haut vol. Elle va servir de taupe chez Mme Billie après avoir gagné sa confiance en faisant des galipettes avec elle. Le coup va rapporter gros mais Gib et ses amis laisseront dans le coffre les listes et les photos en action des gros clients. "Un truc de ce genre, ce n'était pas nos oignons. Trop dangereux." Les personnages sont archi stéréotypés (Tony Le Grec, Jo Le Balafré, Raymond L'Indien, Loulou de Belleville, Edouard Le Baron etc.) tant au niveau des pseudos, que du physique. Pour la psychologie, prière d'aller voir ailleurs : on reste dans les émotions primaires. Et le style est fortement calqué sur les dialogues des films en noir et blanc : "Qu'est-ce qu'il branle ? reprend le Gros, y a une placarde juste devant et il va garer sa charrette à cinquante mètres sur le trottoir d'en face. Il se la donnerait pas des fois ? Attention qu'il ne soit pas calibré." En conclusion, ces mémoires (certainement coachées par un pro de la plume) ont un réel parfum de littérature de genre qui souligne, en sous-discours, la fin d'une époque. Mais cette nostalgie ne doit pas faire oublier qu'on se trouve-là dans l'expression édulcorée d'une criminalité par définition condamnable.

Citation

Au milieu de la nuit, la venue inopinée de Johnny Hallyday, accompagné de Catherine Deneuve et d'un jeune comédien corse, donne l'occasion à Paulette de se mettre en vedette. L'idole des jeunes a subi un sérieux coup de vent. Des cernes profondes sous les paupières et le regard vitreux, il n'a pas dû sucer de la glace. On pourrait visser un chapeau sur son front tant les rides sont creusées.

Rédacteur: Michel Amelin lundi 14 mai 2012
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page