L'Homme dans la vitrine

Il pivote, se met à réciter quelques mantras, puis, de la paume de la main droite, étreint plusieurs fois le manche du poignard d'or et de cristal qu'il porte glissé dans sa ceinture.
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vendredi 19 avril

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Roman - Policier

L'Homme dans la vitrine

Vengeance - Assassinat MAJ lundi 27 août 2012

Note accordée au livre: 5 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 0 €

Kjell Ola Dahl
Mannen I Vinduet - 2001
Traduit du norvégien par Alain Gnaedig
Paris : Folio, janvier 2012
507 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-07-044544-8
Coll. "Policier", 641

Le passé de l'antiquaire

L'atmosphère est particulièrement glaciale à Oslo en ce vendredi matin d'hiver. Reidar Folke Jeperson est un vieil homme, presque octogénaire. Il vient de se lever, prend son petit déjeuner selon une sorte de sempiternel rituel. Son humeur semble être le parfait reflet du temps froid. Pourtant aujourd'hui, volontairement, il va changer quelque peu ses habitudes en quittant son domicile. Il se rend dans un café, patiente avant de pouvoir s'asseoir près d'une vitre. Il observe résolument la rue, attendant sans aucun doute que quelque chose se produise. Soudain, sur le trottoir opposé, apparait son épouse. Elle est beaucoup plus jeune que lui. Vingt-cinq années les séparent. Reidar sait qu'il est marié avec une belle femme, au corps encore très désirable mais pourtant il ne se passe plus rien entre eux. Elle est là, devant ses yeux, poussant la porte de l'immeuble de son amant comme toutes les semaines à la même heure. Ce n'est pas une découverte pour Reidar, il connait depuis longtemps la liaison de sa femme. Alors il attend encore un peu, laissant le couple illégitime se retrouver, puis compose le numéro de téléphone de son jeune rival. Il demande à parler à sa femme, lui explique qu'il sait tout. D'un ton détaché, il exige qu'elle rentre à la maison et l'informe que le sujet est clos. Il a déjà décidé qu'à son retour, en fin de journée, ils feront comme si de rien n'était. Reidar n'a pas dérogé à ses habitudes, il a réglé ce problème avec un détachement emprunt de froideur.

Maintenant, il peut se mettre en route pour rejoindre ses deux frères. Ils ont rendez-vous avec un couple pour la cession de leur affaire. Ils sont associés et possèdent une boutique d'antiquités. Avançant tous les trois en âge, ils estiment qu'il est temps de passer la main et de céder leurs parts pour profiter d'une retraite bien méritée. Mais l'entretien va très mal se passer. Reidar ne semble plus d'accord pour vendre sans évoquer de raisons précises. Il va se mettre en colère allant même jusqu'à donner un violent coup de pied au chien d'un de ses frères avant de quitter rapidement les lieux.
Reidar ne semble pas vivre sa meilleure journée. Pour une raison inconnue, il est vraiment de plus en plus irritable. La visite d'un homme ne va pas arranger les choses. Il est venu dans le but de parler absolument à Reidar, quitte à rester dans le froid à attendre. Le repas en famille ne sera pas non plus des plus calmes.
Le drame va se jouer la nuit suivante. Ingrid, son épouse, va se réveiller avec l'angoissante impression d'une présence dans sa chambre. Ses inquiétudes vont redoubler quand elle va constater qu'à côté d'elle la place est vide. Son mari n'est pas venu se coucher. Aux premières lueurs du matin, dans la vitrine du magasin d'antiquités, Reidar est assis entièrement nu, une inscription et des croix faites au marqueur sur le corps, un fil rouge autour du cou. Il est bel et bien mort sans aucun doute de la blessure sanglante à son flanc. Dans la boutique aucune trace d'effraction n'est visible, pas plus que de lutte.
L'enquête qui démarre ne va pas être des plus simples pour le duo d'enquêteurs. Le mobile ne semble pas évident à établir car il faut peut-être aller chercher plus loin que la jalousie ou l'envie. L'autre difficulté est la liste des suspects qui semble pouvoir s'allonger. Ils sont nombreux à visiblement ne pas regretter Reidar et également nombreux à avoir pu être tentés par l'envie de faire disparaître ce vieillard acariâtre. Les policiers vont devoir également mettre à jour certaines zones d'ombre de la vie de Reidar qui recevait à son bureau des visites nocturnes.

L'Homme dans la vitrine a le charme glacé des bons polars nordiques. Il joue à fond le jeu dans l'atmosphère froide à la limite du crépusculaire tout au long du récit qui se répand comme une sorte de lourdeur qui pèse sur l'ambiance. Au fil des pages, on découvre une galerie de portraits de personnages aux sentiments énigmatiques. Ils paraissent d'ailleurs tous contaminés par le temps qui règne à l'extérieur, repliés sur eux-mêmes et faisant bien attention de ne rien dévoiler de leurs émotions atrophiées. Le tout est habilement équilibré grâce au duo d'enquêteurs plus humains et vivants. Face ua mutisme ambiant,ils paraissent beaucoup plus sympathiques, se débattant entre méandres de l'enquête et soucis de leur quotidien souvent fragiles.
Kjell Ola Dahl semble avoir apporté un soin tout particulier à la mise en place de son intrigue. Les derniers instants de vie de ce vieil homme sont détaillés sous forme d'une longue introduction détaillée montrant précisément toutes les inimitiés dont il est l'objet. Les mobiles sont nombreux, les raisons sont variées et complexes. Les deux policiers créés par Dahl ne vont pas manquer de pistes à suivre, pour ne pas dire de fausses pistes. Les bons sentiments ne se bousculent pas dans l'entourage de Reidar alors il faut de la méthode pour démêler cet imbroglio familial. Pourtant, derrière toute cette noirceur, se cache l'amour sous de multiples formes. Il peut même prendre ses origines dans un passé pas si lointain mais regrettable. Les stigmates de la dernière Guerre Mondiale sont encore là, encore bien douloureux surtout quand ils ont pris racine dans la honte. Et aujourd'hui pour certains, le processus de vengeance est enclenché, malheureusement nourri par la haine aveugle et la jalousie des hommes réfugiés dans le mensonge.


On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°45

Citation

Tu parles de jalousie, de mensonges, de rancune, de silences, de secrets et de trahison. Nous avons là une marmite infernale qui, d'après toi, aurait soudainement cessé de bouillir dès le retour de la paix. Pour moi, c'est totalment incompréhensible.

Rédacteur: Fabien Maurice mardi 21 août 2012
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