Les Anneaux de la honte

– Je croyais qu'elle voulait se faire incinérer ? – C'est bien ce qu'on va faire. – Et qu'est-ce qu'on attend. Tu vas la laisser là combien de temps à la vue de tous, comme un oiseau empaillé ? 
Olivier Mau & Rémy Mabesoone - Au revoir Monsieur
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jeudi 18 avril

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Roman - Espionnage

Les Anneaux de la honte

Historique - Géopolitique - Guerre MAJ vendredi 14 septembre 2012

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18,95 €

François Thomazeau
Paris : Archipel, août 2012
250 p. ; 24 x 15 cm
ISBN 978-2-8098-0706-6
Coll. "Cœur noir"

Actualités

  • 13/09 Café littéraire: François Thomazeau et l'Olympisme nazi
  • 31/08 Édition: Parutions de la semaine - 31 août
  • 20/06 Édition: L'Archipel lance "Cœur noir"
    Les éditions de L'Archipel aiment le thriller. Elles publient ainsi annuellement des auteurs à succès parmi lesquels on ne peut s'empêcher de citer James Patterson. Aussi est-il surprenant d'apprendre qu'elles se lancent dans le roman social historique en créant à la rentrée la collection "Cœur noir" sous la direction de Noël Simsolo en mêlant événements historiques du XXe siècle et fiction. Cela n'est pas sans rappeler d'ailleurs la collection "Polarchive" initiée par Gérard Streiff aux éditions Baleine au début des années 2000. Actualité oblige, c'est François Thomazeau qui sort la plume le premier avec Les Anneaux de la honte le 29 août. Il revient sur un événement qui a récemment inspiré Philip Kerr dans Hôtel Adlon, les jeux Olympiques de 1936 à Berlin en plein IIIe Reich. Il sera très vite suivi le 5 septembre par Maud Tabachnik avec Je pars demain pour une destination inconnue, qui tentera d'interpeller le lecteur sur le périple de l'Exodus en 1947. Quatre titres sont d'ores et déjà prévus en 2013 avec des auteurs et des sujets de qualité : Didier Daeninckx (la Corse en 1941), Noël Simsolo (Paris en 1944), Roger Facon (le suicide de Roger Salengro) et Michel Quint (la mort de Guillaume Apollinaire). on remarque que tous ces auteurs sont des habitués de la littérature noire et sociale. Qu'ils sont marqués par l'emprise de la mémoire. Heureusement cependant que Roger Facon et Michel Quint s'écartent des sentiers moult fois battus de la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences. En attendant, la naissance d'une collection est une bonne nouvelle. Bien meilleure que celle d'un autodafé...
    Liens : Hôtel Adlon |Je pars demain pour une destination inconnue |Philip Kerr |Didier Daeninckx |Roger Facon |Michel Quint |Maud Tabachnik |James Patterson |François Thomazeau |Gérard Streiff

Olimpiada Popular

L'été 1936 fleurait bon les congés payés et le sable des plages que l'on découvrait en masse. On parlait encore de JO de Garmisch, on attendait ceux de Berlin qu'on devinait grandioses, où l'on savait que toute l'Allemagne affluait déjà, applaudissant, c'était une innovation, la flamme Olympique qui pour la première fois de son histoire parcourait jour après jour les rues d'une ville taillée pour son triomphe. Juillet 1936, la France de Léon Blum savourait son repos. À Barcelone, des contre-jeux s'ouvraient : l'Olimpiada Popular. Du monde entier, des sportifs engagés s'y rendaient, criant à tue-tête sur la Rambla leur espoir d'un monde meilleur. Des trains entiers débarquaient ces foules joyeuses d'athlètes qui avaient décidé de boycotter les Jeux nazis et se fichaient de ces gloires de fortune et d'insulte que d'autres allaient y récolter. Juillet 1936. Albert Grosjean débarque lui aussi à Barcelone. Il sera notre fil conducteur d'un bout à l'autre du roman. Ancien champion lui-même, communiste engagé, journaliste. Il vient couvrir l'Olimpiada, ébranlée avant même d'avoir pu commencer. Rixes, tirs, mouvements de troupes : les nationalistes ont fomenté de longtemps leur coup d'État militaire. Partout en Espagne tonne le feu fasciste, tandis que les chancelleries s'agitent dans les coulisses, les britanniques en particulier, qui ne cessent d'activer leur réseau pour aider Franco à venir à bout des Républicains. À Barcelone, les anarchistes prennent la ville, la sauvent des séditieux. Mais l'on sait déjà qu'à Séville l'Espagne est la proie des fascistes qui partout gagnent du terrain, aidés en sous-main par les Italiens de Mussolini, les nazis de Hitler et les volontaires de Doriot. Les jeux sont faits. Lancés de trop loin, avec trop de force et d'abjection, par les Britanniques en particulier, ou cette France désespérante qui tergiverse, tremble et ne cesse d'aller de reculade en renoncement. L'horreur avance à pas compté. Méthodique. Un franc sourire aux lèvres tandis que la France offre au monde dit libre une honteuse porte de sortie : un pacte de non-intervention...

C'est là la grande intelligence de François Thomazeau que d'avoir si amplement ouvert son roman sur les contre-jeux espagnols et la situation de l'Espagne, au cœur de la tragédie qui se noue en Europe, plutôt que sur ces Jeux de la honte dont on croit tout savoir. Mais loin de tout ce que l'on sait déjà, documentant son récit sans le besogner, il nous embarque dans une intrigue dramatique, littéralement, nouée autour du personnage d'Albert. Albert approché par les services secrets français, envoyé en mission à Berlin, chargé de nouer des relations d'intimité avec Goering, le maître des airs en Europe, pour savoir ce qu'il en est de l'attitude allemande, de sa marche forcée vers la guerre. Voici donc Berlin enfin, la foire des Jeux, la farandole des délégations, le ballet des diplomaties, des barbouzes, des armes qu'on ne cesse de livrer sous le manteau en Espagne, des réseaux d'influence. Rien, Thomazeau ne lâche rien de son intrigue, tueurs sans nom, manœuvres retorses, portraits obsédants des dignitaires nazis. Mais surtout, c'est l'Europe tout entière qui est au cœur de son intrigue. De la France des Ligues aux peu glorieux services de sa Majesté, occupés à faire triompher la cause du fascisme. Il ne lâche rien de ce jeu de dupes et pas davantage de la grande fête du cirque nazi. Berlin 1936, c'est toute l'Allemagne qui arbore enthousiaste les anneaux Olympiques festonnés de croix gammées. Les voilà, nos fameux Jeux, qui entrent par la petite porte dans ce roman si pertinent. Des JO scrutés ici sous un angle intrigant, exhibés pour servir de réflexion aux consciences d'aujourd'hui abreuvées de grands messes sportives. Berlin qui fit basculer les Jeux dans l'intemporel, ou plutôt, qui mit au point l'impératif de parenthèse, congédiant le temps politique, celui des peuples assurément, pour cultiver l'idée d'une trêve innocente et pure.

Superbe récit tendu écrit d'un souffle mais savamment composé, restituant l'histoire jadis annihilée. Un Berlin de carton-pâte, obscène dans ses déferlements d'éphèbes célébrant le corps aryen, mais dans sa description, ouvrant immédiatement la lecture au questionnement douloureux de cette idée de la perfection corporelle qui s'est imposée à nous et que les JO ne cessent de promouvoir. Une question lourde de sens à l'heure des jeux Paralympiques si peu médiatiques, que cette foire aux vanités des corps sains ! Superbe roman ouvrant la réflexion, mine de rien, à ces valeurs que véhicule la symbolique de la flamme, qu'elle soit Olympique ou non, Berlin 1936 sautillant tout entier dans les flammes, de nuit comme de jour, le feu trônant à tous les coins de rue, le feu, l'élément par excellence de l'idéologie nazie. Jamais autant de torches, de pyrotechnie, de flammes que dans ce Berlin de l'année 1936, aux allures de bûchers déjà. Entré dans l'intimité de Goering, Albert fera ce qu'il pourra. C'est-à-dire pas grand-chose, face à la déferlante nazie. Et c'est là encore toute l'intelligence de Thomazeau que d'avoir compris que dans le renoncement collectif il ne reste pour seul horizon de liberté que celui de l'exploit individuel – un sacrifice. Exploit sportif contre exploit moral, Jean Moulin entré en douce dans le récit pour y instruire justement l'horizon, quand la société a renoncé à se défendre. Car dans un monde où la politique a renoncé à ses exigences, on ne peut en effet attendre d'issue que de ces intrigues où se noue le drame humain. Tueurs, rôdeurs de l'ombre, résistants, la force du destin ne peut plus s'incarner que dans l'héroïsme des êtres singuliers, livrant l'Histoire au drame - un roman pour tout dire.

Citation

Nous n'étions plus chez Hitler et ses tristes sbires, mais chez Hansel et Gretel.

Rédacteur: Joël Jégouzo lundi 23 juillet 2012
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