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Les Services secrets français sont-ils nuls ?
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Inédit
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L'espion qui venait de l'Élysée
Préface agacée de Michel Rocard pour un titre jugé à juste raison par trop racoleur. Ce même Rocard affirmant néanmoins que la France reste, en matière d'espionnage, un pays à la remorque des grandes nations, malgré le bémol qu'il apporte aussitôt, louant la qualité des agents pour fustiger la chaîne décisionnelle, en particulier dans son segment politique, les présidents de la Ve République ayant tenu en piètre estime les services en question. Il n'est du reste pas jusqu'au dernier Directeur Général de la DGSE qui n'y soit allé de sa pique s'agissant des services secrets français, clouant au pilori ses propres fonctionnaires, incapables de comprendre le Printemps arabe, et la nullité de leur usage par les politiques. L'approche semble ainsi poser la bonne question. Érudite, historienne pour ne pas dire bavarde, elle ne manque pas d'intérêt mais agace encore, au-delà du titre, quand l'auteur se mêle de convoquer une histoire des mentalités pour expliquer la carence des services secrets en France. On y apprend ainsi que si nos services sont aussi mauvais, c'est sans doute parce que notre mentalité est restée désespérément "gauloise"... bien que mâtinée de cartésianisme... On n'est pas loin là des divagations poétiques de Michelet, assurant sans rire qu'il y a "du blé et du silex dans l'âme des Français"... Du blé, passe encore, mais du silex, ça doit faire mal... Dans le même horizon d'interprétation, Éric Denécé voit se profiler les traits saillants du "caractère" du Français - rien moins ! -, à savoir : un homme attaché à la tradition, peu tourné vers la compétition, héritier d'un modèle humaniste "paysan"... La France du XIXe siècle en somme, et encore...
Hormis ces propos de café du commerce, Éric Denécé fait preuve d'une réelle culture de son objet. Il connaît tout, de son histoire et de son fonctionnement, des habitudes prises jusqu'au rejet hautain du renseignement, avec lequel il semble que nous ayons timidement commencé de rompre sous la présidence Sarkozy, qui fut en outre le premier président français en exercice à tenter d'instaurer un contrôle parlementaire sur les activités de renseignement. Un bémol : Sarkozy ne s'intéressait qu'au renseignement intérieur, à savoir le terrorisme et les quartiers sensibles. Un intérêt tout à fait dans la tradition du renseignement français, dont le trait dominant aura été, au long des siècles si l'on en croit l'auteur, la surveillance des populations. Tradition monarchique oblige, une surveillance placée sous le "secret du roi", les Hommes du Président d'aujourd'hui poursuivant la longue habitude française d'abus de pouvoir qui a conduit nos présidents à préférer les réseaux parallèles aux institutions officielles, et les barbouzes, plus discrets encore. Le tout sous la coupe exclusive du Chef de l'État. On le voit, malgré la réforme Sarkozy, le mal français pour le coup perdure, et la tradition de l'État reste celle de la confiscation des missions de la DCRI par exemple, transformée en agence d'investigation au service de l'Élysée... Il y a encore du chemin à parcourir avant la création d'un service vraiment opérant et moderne, on le voit !
Citation
Sans aucun doute, le renseignement français a été le plus faible et le plus inutile de tous les services secrets hostiles auxquels nous avons été confrontés.