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La tête de l'autre
Qui s'en plaindra ? Les frontières entre genres et littérature générale ne cessent d'être poreuses. Fleuve noir ne trompe pas son monde en publiant Le Deuxième homme, de Hervé Commère, sous l'étiquette "roman" et non "thriller". À ce propos, est-ce un roman noir ? Ce sera à chacun d'en juger, mais en tout cas l'ensemble, pour reprendre le plus éculé et haïssable des clichés, se lit véritablement "comme un polar" tant le mystère est maintenu jusqu'au bout. L'histoire est une épure : Paul, le narrateur, apparemment bien installé dans l'existence, croise Norah, un modèle beauté, et vit avec le parfait amour. Mais les fissures sont là car ledit narrateur est un bâtard né de père inconnu accompagné d'un flambeur. Paul est-il un truand pour avoir tout cet argent facile ? Et qui est la belle Norah exactement ? Il faudra une simple photo pour fracasser ce bonheur factice, et en dire davantage serait criminel. L'histoire devient alors autre selon une structure évoquant le séminal film À la folie... pas du tout, de Lætitia Colombani, car chaque élément est revu selon un angle différent. L'histoire d'amour se mue en obsession, et la destruction du couple est programmée. Mais de quelle façon ? Comme souvent avec les tragédies, l'essentiel n'est pas la conclusion, plus ou moins prévisible, mais dans le chemin pour y parvenir. Enfermé dans la tête du narrateur, le lecteur suit son cheminement mental sous forme d'une confession écrite selon une langue volontairement factuelle, sans descriptions, ni notes d'atmosphère, donnant un sentiment évidemment voulu d'étouffement. Bien des romans usurpent le terme "psychologique", mais celui-ci le mérite plus que tout de par sa logique glaciale et glaçante. Décidément, après le joyau qu'est Un petit jouet mécanique, de Marie Neuser, on se dit qu'il existe des auteurs français magiciens qui réussissent à mélanger blanc et noir pour obtenir autre chose que du gris...
Citation
Je suis le fils d'un fantôme et d'une bouteille de gin.