Le Maître des orphelins

On passait son temps à insister, négocier, poser des questions, fourrer son nez dans les affaires des gens, se prendre la merde, les insultes, se battre contre la dépression, et le désespoir, jusqu'à ce que quelqu'un finisse par parler.
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Roman - Noir

Le Maître des orphelins

Historique - Géopolitique - Assassinat MAJ mercredi 05 juin 2013

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 19,9 €

Jean Zimmerman
The Orphan Master - 2012
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Maxime Berrée
Paris : 10-18, mai 2013
504 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-264-05593-4
Coll. "Grand format"

Quand émergeait le Nouveau Monde...

On a tendance à l'oublier, mais les Pays-Bas (dénommés Les Provinces-Unies au XVIIe siècle), ont été une grande puissance coloniale. Ils ont fondé, entre autres, aux Amériques, la Nouvelle-Néerlande avec le comptoir de la Nouvelle-Amsterdam, devenu New York. C'est ce lieu que retient Jean Zimmerman pour un récit qui s'inscrit dans les débuts de la colonisation, la découverte d'un pays mystérieux, les résistances d'indigènes refusant d'être dépossédés de leurs terres et de leur mode de vie.

Si le récit débute le 8 octobre 1663, par les meurtres d'une fillette et d'un régicide, il plonge une partie de ses racines le 30 janvier 1649, quand Charles Ier d'Angleterre est décapité. Son fils, après quelques années d'exil, monte sur le trône et décide de faire tuer tous ceux qui ont signé l'ordre d'exécution de son père.
Edward Drummond est l'un des limiers qui traquent les régicides. Après en avoir débusqué un dans le Jura suisse, il est en route vers les Amériques pour forcer d'autres proies et préparer la mainmise des Anglais sur la Nouvelle-Néerlande.
À quinze ans, Blandine van Couvering est orpheline. Elle a refusé l'aide d'Aet Visser, chargé, à la colonie, de suivre ces enfants, avec ceux qu'on lui envoie de la mère patrie, car la colonie a besoin de bras. Elle est devenue une jeune et jolie femme qui, à vingt-deux ans, affirme son état de commerçante. Pour son métier, elle a noué des relations avec les diverses communautés qui composent la colonie. Deux africaines lui font part de la disparition d'une fillette. Une légende court sur un démon, le witika, amateur de chair qui laisse des cadavres humains dévorés...
D'autres enfants disparaissent, principalement des orphelins. Les suspects ne manquent pas dans cette population brutale. Visser sollicite l'aide de Drummond en tant qu'Anglais. Il a le sentiment qu'un des orphelins, placé chez un couple de Britanniques, n'est plus le même. Il pense à une substitution.
Blandine, malgré diverses mises en garde, va rechercher la vérité, dans un pays mal connu où les appétits des uns vont à l'encontre des intérêts des autres. Avec Edward, qui la rejoint dans sa quête, par conviction et... par amour, ils vont devoir faire face à une monstrueuse réalité, déjouer des complots et, surtout, se garder en vie...

Jean Zimmerman fait flèche de tout bois pour nourrir une intrigue inhabituelle qu'elle plante dans la colonie fondée en 1624. Elle utilise ce continent aux mœurs ignorées, où tout est démesuré par rapport aux Provinces-Unies et même à l'Angleterre. Elle se sert d'une population de migrants déjà installée en une communauté où les principaux vecteurs d'une vie en société étaient partiellement reconstitués. Un gibet trônait, bien en vue, sur le parcours emprunté par les nouveaux arrivants. Elle reprend des croyances des autochtones, des légendes, des composantes d'une mythologie, des superstitions qui se développent face à l'inexploré et nombre de faits avérés, retrouvés dans des chroniques de l'époque. Elle amalgame le tout avec les sentiments humains, les plus nobles comme les plus condamnables. Elle propose, alors, un récit à la lecture prenante tant dans la découverte de l'intrigue, la poursuite dangereuse de meurtriers démoniaques ou humains, que dans la découverte d'un mode de vie et de ses implications. Elle inclut une tension complémentaire avec les conflits entre colons et indigènes, avec la menace d'une invasion des Anglais.

Elle expose la frénésie des colons pour les affaires, pour faire des affaires... La plupart de ceux qui, volontairement, quittaient Patria (le nom donné par les colons aux Pays-Bas) avaient le goût du risque et la volonté de réussir, de gagner de l'argent facilement. L'argent, justement, est rare. Les bons florins voisinent alors avec des coquillages bien spécifiques qui servent de monnaie aux échanges quand le troc trouve ses limites.

Mais, elle détaille aussi l'environnement politique, religieux, social. La Nouvelle-Néerlande est considérée comme "une épine dans la patte du lion anglais". Les Anglais cherchent donc à repousser ces "occupants" et à s'approprier ce territoire qui, effectivement forme une enclave. Ils le feront, d'ailleurs, envahissant la colonie en 1664.

L'auteur compare les attitudes religieuses, le rigorisme des bigots anglais contre la relative liberté des Bataves, le statut des femmes, objets de moindre importance pour les uns, individus à part entière pour les autres. Les esprits bigots, les "chenilles religieuses" qui ne veulent pas, dans un contexte nouveau, inventer une autre forme de société, de relations sociales. On sait qui l'a emporté pour le plus grand dommage des valeurs humanistes.

Elle brosse, ainsi, des portraits saisissants de réalisme, mêle une forme d'humour décalé et se sert avec subtilité des croyances et des superstitions pour construire une intrigue d'une remarquable qualité.

Le Maître des Orphelins est un premier roman fourmillant de détails de toute nature, utilisant avec maestria les mentalités, les sentiments, les caractères d'une population confinée dans un chaudron où coexistaient jusqu'à dix-huit langues différentes.
C'est l'un des meilleurs polars historiques des dix dernières années.

Citation

Au cours de ses années d'exil en Hollande, Drummond avait rencontré beaucoup d'autres femmes indépendantes de caractère, très différentes des servantes dociles qu'il avait laissé derrière lui en Angleterre.

Rédacteur: Serge Perraud samedi 25 mai 2013
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