Procès d'assises : l'instant où tout bascule

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vendredi 29 mars

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Essai - Policier

Procès d'assises : l'instant où tout bascule

Procédure MAJ mercredi 26 juin 2013

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 6,6 €

Stéphane Durand-Souffland
Paris : Points, juin 2013
210 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-7578-3503-6
Coll. "Document"

La minute de vérité

Voici la version poche d'un ouvrage paru l'an dernier chez Denoël, dû à la plume du chroniqueur judiciaire du Figaro depuis 2001. Stéphane Durand-Souffland porte un nom d'avocat. Il connaît bien la profession, tout comme celle des juges. Il sait mettre ces forts caractères en avant ou leur donner des coups de griffes. Plutôt que se lancer dans de longs récits de procès (il a quand même écrit Disparition d'une femme, l'affaire Viguier aux éditions de l'Olivier en 2011), notre chroniqueur a choisi ces instants-clés, imprévisibles, qui font basculer un procès du côté de la défense (Viguier par exemple) ou du côté de l'accusation (Bissonnet, associé à son jardinier et un vieux vicomte pour le meurtre de sa femme) quand ce n'est pas, tout simplement, les aveux de l'assassin qui a nié jusqu'à présent (Guy Georges) et qui ouvre alors une sorte de brèche rédemptrice où s'engouffrent familles des victimes, jury, magistrats, avocats, public, presse et, bien sûr, l'accusé lui-même.
Cet ambitieux fil conducteur retenu par l'auteur est périlleux car il suppose d'emblée une parfaite maîtrise des données psychologiques ainsi qu'une connaissance approfondie des rouages de la justice et des pensées sous-jacentes au discours de ses représentants. Bref, il lui revient de rendre compte d'un instant, c'est-à-dire une impression ; quelque chose par définition impalpable et subjectif. Et Stéphane Durand-Souffland s'en tire avec les honneurs.
Dans son remarquable avant-propos où il raconte son itinéraire professionnel, il donne des clés pour comprendre sa démarche : "Mon sujet, c'est le procès, pas le fait divers qui en est le prétexte. Le procès est au fait divers ce que le raffinage est au pétrole brut." Il va donc traiter quatorze "instants" de procès d'affaires modernes et très célèbres (Guy Georges, Alègre, Besse, Outreau, Émile Louis, Colonna, Fourniret, Clearstream) ou qui ont défrayé la chronique comme le professeur Viguier accusé d'avoir tué sa femme dont on a jamais retrouvé le corps, David Hotyat qui assassina la famille Flactif, Bissonnet, Catineau qui poignarda ses deux épouses, Ben Salah accusé d'avoir tué quatre Hollandais d'une maison dont il assurait l'entretien... Stéphane Durand-Souffland ouvre ses chapitres par un paragraphe en italiques qui replace les enjeux, puis isole l'instant en le datant. Il débute alors le récit, souvent à partir de l'atmosphère des lieux pesante et chargée, puis rappelle les faits par un résumé des jours précédents. Le récit retombe ensuite sur ses pattes au niveau de la chronologie et l'auteur peut détailler l'instant décisif. Pour le procès de David Hotyat, par exemple, c'est l'incroyable témoignage de son acte. Il raconte que deux personnes l'ont forcé et accompagné dans son quintuple meurtre. Ce que certains ont pris comme une mise en cause de proches, n'est en fait qu'un délire où l'assassin se décharge de sa culpabilité sur deux avatars. Ce phénomène psychologique est d'ailleurs très courant dans les affaires criminelles. Au discours de Hotyat, répondent les juges et les avocats dont le premier niveau de parole est celui de la compréhension de cette version, mais dont le deuxième se situe dans le décryptage de la symbolisation. De même avec l'enregistrement de l'appel de Bissonnet à la police quand il découvre le cadavre de sa femme au retour d'un repas. Ce sont des larmes et des appels à la morte, des commentaires, des gémissements. Il n'a pas raccroché l'appareil après avoir prévenu la police. L'a-t-il fait exprès pour accréditer son innocence ? N'en fait-il pas trop puisqu'il sait, qu'avant l'arrivée de la police, l'homme de garde est toujours à l'écoute ? Par quels enchaînements psychologiques un accusé va-t-il craquer et, comme Myriam Badaoui lors du procès d'Outreau, innocenter ses co-accusés incarcérés parfois depuis plusieurs années ? Grâce aux subtils appels d'un avocat ou d'un juge, grâce aussi aux suppliques des familles qui, paradoxalement, seront soulagées de connaître les derniers horribles instants de leur fille ou sœur (chez Alègre, ou Georges), la mécanique bien huilée de la justice va s'emballer vers la vérité, celle brute qui tombe enfin de la bouche de l'accusé.
Grâce à Stéphane Durand-Souffland, la chronique judiciaire prend une autre dimension, plus psychologique, bien sûr, mais aussi comportementale et sociétale. Il illustre d'une manière incontestable qu'un procès n'est pas seulement une grand messe de la justice mais un alambic où sont versés morts, vies, sentiments, espoirs, regrets, vices et vertus. Le concentré en sortant devrait se nommer Vérité. Mais tout le mode sait que l'erreur judiciaire existe. Ce qui prouve que l'humain reste faillible.

Citation

Les cas de figure sont nombreux, mais le résultat reste le même : on rit. Avec Michel Fourniret, le contexte est extrêmement particulier. Les faits sont épouvantables. L'accusé est odieux, sa femme horripilante. Il fait froid sur Charleville-Mézières, et Charleville-Mézière - Rimbaud lui-même l'avait écrit - n'est pas une ville qui prête naturellement à rire même quand il fait chaud.

Rédacteur: Michel Amelin samedi 22 juin 2013
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