L'Allemand perdu

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samedi 20 avril

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Roman - Policier

L'Allemand perdu

Historique - Disparition - Guerre MAJ vendredi 27 septembre 2013

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20,9 €

Jean-Claude Hazera
Paris : Odile Jacob, juin 2013
272 p. ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-7381-2952-9
Coll. "Thriller"

Un de perdu, dix de retrouvés

C'est parce qu'il maîtrise parfaitement l'usage du gazogène, que Mathurin Capitaine accompagne son chef. Ils se rendent dans un village côtier de Bretagne car une tempête a dégagé, de sous un bunker, un groupe de dix cadavres, dix otages exécutés par les Allemands. En octobre 1944, ceux-ci ont laissé la place aux Alliés, mais leur ombre plane encore sur les lieux. En cette période de rudes restrictions, une table d'auberge, garnie, mobilise le chef qui donne toute liberté à son stagiaire pour enquêter. Celui-ci essaie, sans grand succès de réunir quelques informations sur les morts, sur la constitution de la liste des otages.
Parallèlement, la disparition brutale, début mai, de Hans Esser, le chef du secteur de l'organisation Todt mobilise l'attention. Le gouvernement, mené par Charles de Gaulle, enlève nombre des droits que s'étaient arrogés les organisations de résistants. Celles-ci, en retour mettent la pression sur la Police nationale. Le chef se débarrasse de l'enquête, et de ses possibles conséquences, sur Mathurin, au prétexte que l'Épuration, qui bat son plein, le mobilise. Le jeune stagiaire se retrouve seul sur une affaire délicate et embrouillée.
À force de questionner les villageois, la patronne de l'auberge l'oriente vers Werner, un Allemand prisonnier des Américains. Il obtient, ainsi, en l'associant à son enquête, des informations sur les combines, les magouilles que la construction du Mur de l'Atlantique a engendrées, suscitées.
Un onzième cadavre est découvert, toujours sous ce bunker, dont la seule raison d'être est de servir de pierre tombale.
Et Mathurin se trouve en butte à la corruption, à la Collaboration, à l'Épuration, entouré d'ombres suspectes.

Jean-Claude Hazera place son récit dans un village breton libéré, depuis quelques mois, par les Alliés. Il décrit l'existence quotidienne d'une population qui manque de tout : nourriture, chauffage, vêtements...
Le gouvernement désarme les diverses composantes de la Résistance, des FFI aux communistes, les sommant de laisser faire les forces de l'ordre officielles. Aussi les responsables résistants mettent-ils, avec force injonctions, la pression sur ces dernières, exigeant des résultats rapides tant pour trouver les coupables de l'exécution des otages que pour expliciter la disparition de l'officier responsable de Todt.
L'Épuration bat son plein. Après les exactions des résistants de la dernière heure, De Gaulle veut des forces de police "propres". Chacun doit remplir un dossier décrivant son activité des dernières années, avant le passage devant une Commission d'épuration. Les premières exécutions de collaborateurs notoires ébranlent tout le monde, d'autant que personne n'est à l'abri de dénonciations qui, même fallacieuses, posent d'énormes difficultés d'éclaircissements.

C'est dans ce contexte que l'auteur entraîne son héros sur une affaire aux ramifications complexes. Il confronte Mathurin Capitaine, un jeune homme de vingt-trois ans, ayant vécu, toute la guerre, à la ferme familiale comme soutien de famille, à un univers insoupçonné qu'il découvre avec la fougue de la jeunesse.
Attachant, sympathique, émouvant, ce personnage est d'une grande humanité tant pour son côté ingénu que pour ses défauts, laissant transparaître facilement ses sentiments, ses émotions, ses élans.

L'auteur, de par son métier de journaliste économique, donne une place importante à cet aspect. Il décrit les flux financiers, les flots d'argent liquide qui circulent, issus du marché noir, des détournements, les mécanismes financiers mis en place par le pouvoir pour lutter contre des attaques sur la monnaie.
Il rend compte de la complexité des liens et des relations, pendant l'Occupation, entre Français et Allemands, avec le STO (Service de Travail Obligatoire), la nécessité de travailler pour vivre vaille que vaille.
Il montre aussi cette frange ignoble utilisant le climat de vengeance qui régnait pour satisfaire leurs plus bas instincts, leurs désirs de possessions, avec leur art de savoir plastronner au bon moment en criant plus fort que les autres une indignation qui devrait leur être appliquée, relatant les actes d'une résistance imaginée.

L'Allemand perdu est un magnifique roman où l'intrigue tient en haleine jusqu'à une chute fort bien imaginée et amenée. Cette première enquête de Mathurin Capitaine est une révélation, que l'on espère suivie de beaucoup d'autres.

Citation

... elle m'explique qu'elle a servi de paratonnerre à épuration avec la femme Le Corre. Les tondre toutes les deux a évité de se poser des questions sur les autres. Leur cas était clair. L'une parce qu'elle servait des coups à boire aux allemands, l'autre parce qu'elle ne s'était pas cachée pour coucher avec l'un d'entre eux. Tous les braillards qui les avaient poussées jusqu'à la chaise du tondeur...

Rédacteur: Serge Perraud mardi 27 août 2013
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