Grossir le ciel

De sa main valide, il dégoupilla une grenade qu'il lança vers la source de ses ennuis. Une explosion puis le silence, couvert par le bruit lancinant des sirènes. L'enfoiré qui croyait détourner la destinée de Martin en avait pris plein la tronche.
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jeudi 28 mars

Contenu

Roman - Noir

Grossir le ciel

Ethnologique - Social - Crépusculaire MAJ lundi 13 avril 2015

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 16,9 €

Les pieds dans la glaise et la tête haute

Que pourrait-il y avoir de plus banal que le cadre général de ce roman ? Un village perdu, des fermes isolées, un vieux paysan qui vit tout seul, avec pour unique compagnon un chien. Un peu plus loin, un autre paysan, lui aussi solitaire. Le travail routinier de la ferme, les allers-retours au village pour acheter les rares denrées que l'on ne peut pas produire soi-même, le rythme des saisons, les balades, fusil en main (des fois qu'un oiseau viendrait à passer), quand il n'y a rien de plus important à faire. Franck Bouysse excelle dans ce quotidien, dans cette description méticuleuse, fine, imagée et ciselée comme les souvenirs des plus anciens d'entre nous, qui ont encore vécu cet univers ou se sont gavés des trois volets de Raymond Depardon, Profils paysans. Un monde rude apparaît sous nos yeux, fait de non-dits, de crimes enfouis, de violence retenue ou détournée (comme cette scène hallucinatoire où le personnage central regarde sa mère se suicider sans intervenir), où chacun sait que, derrière un dialogue anodin, se terre une peur ou une envie de meurtre. En arrière-plan, un janvier froid, des paysages blanchis où éclate encore plus la solitude.
Comme les personnages sont des taiseux, l'intrigue l'est aussi, et avec une grande justesse. Quelques éléments, des indices, des éclats de lumière et d'informations, comme autant de coups de fusil, troublent le silence cévenol. Des morceaux de concret qui semblent parfois à la limite du surréalisme : des témoins de Jéhovah, qui sillonnent la région, on ne sait trop pourquoi, espèces de corbeaux noirs annonçant un malheur à venir. On croise un voisin qui sympathise plus qu'à l'accoutumée, un riche propriétaire qui entend agrandir sa surface agricole, un banquier trop affable, un maire débordé, des gens qui se saoulent parce qu'après tout que faire d'autre ?, un chien que l'on essaie de tuer. Au centre de cette histoire, Gus sait bien que son univers s'achève, que ce monde millénaire s'est effrité et qu'il disparaît sous les coups de butoir de la modernité. Il sait aussi qu'il ne faudrait pas idéaliser ce passé (d'ailleurs les rares retours en arrière sur sa vie d'avant ne sont pas des moments de grande délicatesse), que toute armature est aussi un carcan. Il continue opiniâtre à reconstruire ses clôtures, à effectuer toujours les mêmes gestes, sous le regard de son seul ami, sans doute, qui tourne autour de lui en aboyant.
Avec tendresse et intelligence, Franck Bouysse reste là à l'observer, à disséquer ses gestes, à tenter de rendre ses pensées, à restituer l'univers d'un des derniers "indigènes", pris dans une situation de roman noir qui le dépasse et dont il ne comprend pas tout. Il poursuit, de son écriture qui sait aller du détail le plus infime à l'universel, sa description des "gens de peu" pour devenir un de ses écrivains discrets dont les amateurs se transmettent le nom, et dont les ouvrages embellissent la bibliothèque dans laquelle ils se trouvent.


On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°55

Récompenses :
Prix Polar Michel Lebrun 2015

Nominations :
Prix des lecteurs de Villeneuve lez Avignon 2015
Trophée 813 du roman francophone 2015

Citation

Il ne craindrait plus l'obscurité, le froid, la solitude, parce qu'il était lui-même devenu la nuit, le silence, la somme de tous les jours passé, et que le futur n'existerait plus jamais.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 13 avril 2015
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