Un tueur à Munich : Josef Kalteis

Apparemment la seule façon pour lui de comprendre l'existence, c'était de plonger le regard dans l'abîme qu'il longeait constamment. Il était trois heures moins le quart en ce matin du 10 octobre, le jour de son anniversaire. Il allait rentrer chez lui retrouver enfin sa femme... Et tourner le dos à ces trois morts qu'il laissait derrière lui.
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Roman - Policier

Un tueur à Munich : Josef Kalteis

Politique - Historique - Tueur en série MAJ samedi 16 mai 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 6,7 €

Andrea Maria Schenkel
Kalteis - 2007
Traduit de l'allemand par Stéphanie Lux
Arles : Babel, février 2015
176 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-330-02869-5
Coll. "Noir", 129

Individus face aux froides machines totalitaires

Les derniers jours de la République de Weimar sont derrière nous et le début de l'hitlérisme dit "de guerre" se profile. L'action se déroule en 1938 et le régime nazi - même assis confortablement - joue encore avec des éléments de l'ancien temps : tout a continué comme avant même si certains ont déjà entendu parler de camps de rééducation comme le sinistre camp de Dachau. C'est dans ces conditions que sévit en Bavière un tueur en série. Les faits rappellent bien évidemment le célébrissime M. le Maudit, déjà choisi pour symboliser ce passage de relais politique, cette décadence qui débouche sur l'un des pires régimes qui existe. Nous sommes donc dans cet entre-deux délicat. C'est aussi le thème qui parcourt le roman de Andrea Maria Schenkel. Comme dans d'autres textes, l'auteur joue sur le registre des différents points de vue, et d'allers et retours temporels. Ici, elle commence avec l'exécution du tueur. Puis nous revenons sur la dernière tentative meurtrière de ce Josef Kalteis. Comme celle-ci échoue, il est arrêté et interrogé. En alternance, nous aurons sa vie racontée par son épouse. S'intercalent alors des chapitres qui vont mettre en scène la trajectoire de l'une de ses victimes.
Ce sont ces chapitres qui peuvent captiver par la description simple et naïve d'une jeune fille de la campagne. Elle ne sait pas bien ce qu'elle veut mais elle sait très bien ce qu'elle ne veut pas. Mine de rien, par laisser aller, comme sur une pente naturelle, Kathie s'acclimate à la grande ville allemande, couche avec des hommes ce qui lui permet d'avoir un lit chaud, puis lentement se dirige vers la prostitution. Elle pourrait s'apparenter à cette République, bonne fille, qui, peu à peu, laisse les anti-démocrates noyauter, déformer et détruire les institutions. Face à elle, le tueur, inscrit au parti nazi, est un macho "normal". Il bat sa femme, ne lui laisse que le minimum pour vivre avec leurs enfants, et croit que toutes les femmes sont des nymphomanes en puissance qui ne pensent qu'à coucher avec lui. Il mélange les souvenirs de ces travaux dans l'abattage des cochons avec ses pulsions et ne peut éprouver de la jouissance que dans son sadisme assouvi. Si au lieu de tuer des femmes pour en abuser, il avait utilisé ses talents pour liquider de l'opposant - comme l'a si bien raconté Johann Chapoutot avec son essai historique, Le Crime de Weimar -, nul doute que Josef Kalteis aurait pu faire une belle carrière. Mais être un tueur en série, inscrit au Parti, dans le berceau historique du nazisme qu'est Munich, cela fait tache y compris pour des dirigeants aux mains ensanglantées...
Évocation d'un univers étrange où il y a une dictature mais où la vie semble encore extrêmement paisible, chacun vaque à ses occupations - bals, beuveries, tournée du laitier, longs trajets en bicyclette pour aller chercher du travail, Un tueur à Munich dépeint aussi la vie quotidienne d'un tueur qui aurait pu continuer ses petites affaires longtemps, sans le sursaut d'une jeune fille et d'un vieil homme. Comme pour Finsterau, Andrea Maria Schenkel utilise, avec un style sec, descriptif, rendant compte du quotidien, un faits divers comme révélation d'une période emblématique des tensions entre les pulsions des individus et les volontés de la société ou de l'État. La brièveté du texte renforce cet aspect photographique, cette vue en coupe d'une période et d'une société, comme une version inversée de la flamboyance romanesque de James Ellroy, mais avec la même intention.

Citation

J'étais dans une rage telle, elle s'était vraiment débattue, ça m'a vraiment excité, j'étais hors de moi. C'était vraiment bon.

Rédacteur: Laurent Greusard samedi 16 mai 2015
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