Le Chagrin des cordes

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Roman - Policier

Le Chagrin des cordes

Économique - Social - Musique - Guerre MAJ lundi 01 juin 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20 €

François Weerts
Paris : Delpierre, février 2015
334 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-37072-026-9

Antipathie pour le diable

Les Rolling Stones sont une sorte de monument intouchable qui a rythmé les cinquante dernières années. Comme pour la vie de chacun d'entre nous, cette carrière a connu des hauts et des bas. Il existe même des exégètes qui séquencent cette longévité entre périodes, le plus souvent, suivant les "seconds couteaux" qui ont effleuré le mythe Jagger-Richards. Certains, comme Gil, ont une tendresse particulière pour la période Mick Taylor, l'un de ceux qui offrit beaucoup au groupe, mais ne rencontra souvent que des désillusions devant la machine capitaliste et opportuniste que ce groupe était lui-même devenu, groupe qui a passé une grande partie de son temps à courir après les modes, à se citer, à s'imiter, voire à se parodier ou à se caricaturer. Quelques chapitres du roman du journaliste belge François Weerts racontent ainsi vu par Gil la carrière-météore de Mick Taylor au sein des Rolling Stones. C'est l'occasion de présenter un artiste intelligent, inventif, conscient de ses forces et de ses faiblesses et qui, finalement, a jeté l'éponge pour ne pas perdre son âme.
Aujourd'hui, en pleine déconfiture sentimentale et professionnelle, le journaliste bruxellois Antoine Daillez reçoit une lettre de Gil car ce dernier, devenu ouvrier métallurgiste au sein de l'usine Forgibel, a des doutes sur la volonté des patrons de la faire continuer à cicre et proliférer. Il aurait des informations sur Sermeuse, le nouveau directeur, et des soupçons de malversations possibles. Antoine Daillez arrive pour découvrir une entreprise en pleine grève et le cadavre encore chaud de Gil, retrouvé mort dans l'usine, par suite d'un cambriolage qui aurait mal tourné. L'enquête journalistique commence et Antoine Daillez rencontre Diane, la fille d'un contremaitre-ingénieur, qui est en train de mettre au point une invention qui pourrait révolutionner la sidérurgie et sauver l'entreprise. Mais peu de temps après lui aussi est retrouvé mort dans des circonstances horribles. Persuadé que les deux affaires sont liées, Antoine Daillez va chercher, aiguillonné par l'amour naissant avec Diane, à découvrir la vérité...
Le récit s'ouvre donc sur deux pistes : l'une autour de l'invention, des magouilles, de la délocalisation des entreprises européennes et l'autre autour du passé de Gil, cette vedette de la scène belge, guitariste capable de devenir une star internationale - il était même parti fonder un groupe de rock en RDA ! Pourquoi a-t-il soudain tout arrêté pour retourner en usine et y mourir bêtement ? Là-dessus, une troisième piste s'installe liée à l'histoire belge avec des Rwandais pour sillonner la capitale à la recherche d'un militaire très impliqué dans le génocide et qui se cacherait dans le coin. S'y ajoute le fait que l'entreprise Forgibel aurait travaillé à la fourniture de machettes pour ce même génocide...
Le destin de Gil et, en contrepoint celui de Mick Taylor, dresse une structure axée sur la morale : peut-on continuer égoïstement à cautionner un système qui ne tient pas la route mais dont on profite ? Même s'il a été dans l'ombre et que sa participation aux Rolling Stones a été volontairement oubliée au profit du tandem Jagger-Richards, Mick Taylor a longtemps profiter de la vie de star - argent facile, vie sans soucis, gloire qui continue sur une lancée ininterrompue même si le talent est en baisse. Or, le guitariste a écouté sa conscience et a quitté le Barnum Circus. Gil, lui, a une trajectoire plus chaotique. Face à cette double destinée individuelle et musicale, c'est un récit plus collectif où s'oppose le monde ouvrier, face aux requins capitalistes - où tout est bon pour faire des affaires , y compris évidemment la participation à un génocide.
Servi par des personnages, humains et bien dessinés que sont Antoine, Diane, son père, les Rwandais, les petits ouvriers, les policiers, Le Chagrin des cordes mélange avec vitalité dans un style classique, efficace et qui sait rythmer les moments de mélancolies ou d'amertume, par des scènes d'actions, des destins individuels mis en perspective et la grande machinerie du monde qui broie l'humanité. Le juste équilibre entre ces deux aspects évite au roman de tomber dans le tract politique poulpesque. Lénine disait que le capitaliste irait jusqu'à vendre la corde pour qu'on le pende. Le seul problème, c'est qu'il est prêt à user la dernière goutte d'eau, de pétrole et de matières premières pour fabriquer cette corde.

Citation

Au fond du hall, le marteau hydraulique ressemble à un instrument destiné à d'antiques sacrifices. Gilles aurait-il été immolé sur l'autel de mystérieux intérêts industriels ?

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 01 juin 2015
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