L'Affaire des coupeurs de têtes

S'il avait pu étirer ses lèvres qui pour l'heure n'existaient plus qu'à l'état de rature écarlate et noir, il aurait souri. Et s'il avait eu la totalité de ses incisives, il aurait montré les dents.
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jeudi 28 mars

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Roman - Policier

L'Affaire des coupeurs de têtes

Ethnologique - Social - Religieux MAJ vendredi 10 juillet 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 0 €

Moussa Konaté
Paris : Métailié, mai 2015
150 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 979-10-226-0159-7
Coll. "Noir"

Comment passer les menottes à un esprit ?

Le récit s'ouvre sur une gigantesque fête joyeuse et colorée. Les habitants de la ville de Kita célèbrent le retour de leur équipe de foot victorieuse. Il s'achèvera sur les deux policiers qui, ayant résolu l'enquête, éclateront de rire. L'ensemble du nouveau roman du Malien Moussa Konaté est à l'aune de ces deux moments. Une joyeuse cohue, une enquête louvoyant entre deux plaisanteries où l'on se moque gentiment de son prochain. D'ailleurs les criminels, si l'on enlève l'aspect meurtrier, fabriquent eux aussi une sorte de farce, parfois macabre. En effet, notre défilé festif et sportif du début va se débander lorsque des enfants en jouant au football touchent accidentellement un homme endormi qui se révèle être un mendiant mort, auquel on a coupé la tête ! Et ce cadavre mutilé est le début d'une série.
Comme nous sommes en Afrique et que les croyances sont différentes, que la mentalité est autre, l'on ne pense pas immédiatement à un tueur en série, mais plutôt à un crime lié à un acte de sorcellerie ou à une attaque d'esprits. Cela tombe à propos car, justement, après le premier meurtre, un fantôme parcourt les rues de la ville et depuis le haut des collines harangue la foule ou perturbe les villageois qui viennent à le croiser. Visiblement, il s'agit d'une vengeance des esprits ou d'une malédiction - va-t-en savoir ! -, avec des esprits peu loquaces. Toujours est-il que lorsque d'autres corps sans tête commencent à décorer la ville, cela inquiète forcément.
Devant l'angoisse de la population, et le réveil d'antagonismes ethniques, le commissaire Habib, originaire du coin, vient de la capitale, pour découvrir la vérité. Une enquête nonchalante, qui joue sur les coutumes (un mixage étonnant entre pratiques musulmanes orthodoxes et restes du panthéisme africain), et qui manie avec soin un mélange détonnant entre psychologie fine et recherches sur Internet, entre goût du détail et poursuites au cœur de la nuit, pour cerner la vérité. Le commissaire traque, mais ne peut s'empêcher de goûter à nouveau aux plats locaux, se moque de son adjoint qui doit apprendre mieux, en observant et surtout en mangeant les recettes locales, car ce sont elles qui font de son peuple des gens intelligents (!).
Récit court qui est à la fois une enquête et un regard amusé sur le monde, sur un univers africain contaminé par la modernité économique délétère et qui y perd l'âme que n'avait peut-être pas détruit la colonisation physique, L'Affaire des coupeurs de tête est une évocation sensible et intelligente, un véritable conte africain maîtrisé, une leçon dont le seul regret sera qu'il est l'œuvre posthume d'un auteur qui comptait. En effet, Moussa Konaté est décédé en 2013 à Limoges...

Citation

En fait, la vue du coupe-coupe et l'état du mort qui gisait à leurs pieds avaient déclenché en eux un soupçon que personne n'osait avouer publiquement.

Rédacteur: Laurent Greusard vendredi 10 juillet 2015
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