Carthage

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jeudi 14 novembre

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Roman - Noir

Carthage

Psychologique - Social - Disparition - Guerre MAJ mardi 17 novembre 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 24,5 €

Joyce Carol Oates
Carthage - 2013
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Claude Seban
Paris : Philippe Rey, octobre 2015
598 p. ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-84876-481-8

Au cœur brumeux de la confusion

Toute l'œuvre de Joyce Carol Oates se place résolument sous le signe de l'ambiguïté. Rappelons juste pour mémoire Les Mystères de Winterthurn. Nous suivons trois aventures où à chaque fois un détective parvient à la vérité avant que les derrières pages nous laissent penser qu'il a peut-être mené en bateau par sa petite amie, la véritable coupable. Toute cette ambiguïté explose ici de manière encore plus contemporaine. Le récit se découpe en trois parties. Au centre, une intrigue qui semble secondaire : la rencontre entre un écrivain-essayiste qui se déguise pour percer des secrets de la société, à la manière d'un Gunther Wallraff. Il engage une nouvelle secrétaire avec laquelle il partagera de nombreuses informations. Puis, ensemble, ils se rendent dans une prison afin de regarder de l'intérieur. Là, la jeune fille va comprendre des choses qui se sont passées dans la première partie. Ambiguité car le personnage d'universitaire est un homme éduqué, savant, qui passe son temps à dénoncer en restant caché, et qui fouille les tares d'une société en en vivant grassement. Cela relance l'ambiguité du reste du roman. Tout commence avec Brett, un soldat revenu d'Irak. A-t-il dénoncé ses camarades qui auraient outrepassé leur devoir ? En tout cas, il a du mal à se réadapter et ne veut plus voir sa fiancée. Un soir, il se retrouve en voiture avec la jeune sœur de son ex... Il est retrouvé au matin hagard. Il y a du sang dans sa voiture et la jeune fille a disparu. Il reconnaît le meurtre, mais c'est dans une scène hallucinée où l'on peut se demander s'il ne se repent pas de scènes de guerre post-coloniale. Que penser du père de la disparue qui refuse d'admettre l'évidence, mais qui veut montrer qu'il ne condamne pas le soldat, mais aussi de la mère qui désire pardonner au même "assassin" ? Les choses sombrent encore plus dans l'ambiguïté, le non-dit, le mal être de tous lorsque la troisième partie éclate et que la jeune fille disparue semble retrouver ses esprits (mais les a-t-elle vraiment perdus ?), et revient. A-t-elle fui un "beau-frère" qui voulait abuser d'elle ou au contraire est-ce elle qui l'aurait provoqué et aurait été repoussée ? Tout est confus, comme cette guerre en Irak, ces scènes de viol que Brett a vues ou cru voir.
Tout l'art de Joyce Carol Oates réside dans ces interstices, dans les doutes et les failles, dans des personnages qui les incarnent, inconscients peut-être eux-mêmes des remous qu'ils provoquent ou de la vie qu'ils mènent. Il faut accepter de se laisser conduire, par la main, au milieu de scènes peu claires pour l'intrigue, des redites, dans des descriptions d'actions qui sont parfois des rêves ou des fantasmes, dans un monde où rien n'est jamais sûr. Ceux qui apprécieraient un mort au début et l'arrestation du coupable à la fin ne trouveraient peut-être pas leur compte avec Carthage. Ceux qui aiment les zones grises, les matins brumeux, les coupables qui sourient et ne savent pas qu'ils sont des tueurs, savoureront cet épais roman de Joyce Carol Oates, où l'auteur met une fois de plus son poison à effet lent en pleine action.

Citation

Un amusement cruel brillait dans ses yeux gris pierre. La stagiaire se dit il nous déteste. Autant que les détenus le détestent.

Rédacteur: Laurent Greusard mardi 17 novembre 2015
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