Contre-enquête sur l'Affaire de Broglie

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Essai - Policier

Contre-enquête sur l'Affaire de Broglie

Assassinat - Complot - Trahison MAJ vendredi 20 mai 2016

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20 €

Christian Chatillon
Paris : L'Artilleur, novembre 2015
312 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-8100-0565-9

Assassinat d'un député français

24 décembre 1976, Jean de Broglie, député de l'Eure, est assassiné. Le 28 décembre, trois suspects sont arrêtés. L'un d'entre eux est un officier de police. La presse fait semblant d'enquêter et met en place son récit : on a supprimé le prince de Broglie pour une affaire de dette. Sauf L'Humanité, qui plaide la thèse du crime politique. Le 29 décembre, le prince Poniatowski, ministre de l'Intérieur, vient en personne au-devant de la presse, court-circuitant et les enquêteurs et le Parquet, pour livrer les noms des coupables. L'affaire est résolue. Elle tourne autour du rachat d'un restaurant huppé, La Reine Pédauque : l'emprunt était assorti d'une assurance vie sur la tête du prince de Broglie. Ses associés avaient tout intérêt à l'éliminer. Ils l'ont fait. Tout est dit. Avant même l'ouverture de l'instruction ! Tollé général du côté du Syndicat de la magistrature. En vain. La messe est dite, la France s'en tiendra à cette version officielle. Raymond Barre arrive ensuite à Matignon et classe le dossier de Broglie... secret défense ! Mais le 2 avril 1980, Le Canard enchaîné lâche sa bombe. L'instruction est close depuis le 17 mars, mais Le Canard a eu accès à des informations confidentielles selon lesquelles il apparaîtrait que la police était au courant du meurtre projeté contre de Broglie. Or, dans le dossier d'instruction, les documents concernant ces révélations ont disparu. Les plus hautes autorités de l'État sont mises en cause. Stupéfaction plus ou moins feinte à l'Assemblée Nationale. L'instruction est ré-ouverte le 23 avril 1980. Une commission d'enquête est nommée à l'Assemblée Nationale, présidée par Gérard Longuet, ex collaborateur de... Poniatowski ! Elle rend un verdict sans surprise l'année suivante, pour enterrer définitivement l'affaire sous une chape de plomb.
Christian Chatillon a tout repris depuis le début, compulsé tous les documents, interviewé tous les acteurs du drame. Une première fois. Puis une seconde fois, dix après sa première contre-enquête, pour publier cet ouvrage qui est une vraie bombe. Deux questions lui servent de fil conducteur : la police a-t-elle réellement laissé s'accomplir le crime ? Les plus hautes autorités de l'État savaient-elles ? Et là, à la lecture de son essai, les bras nous en tombent, tant l'affaire est grave et la contre-enquête sérieuse. Oui, l'inspecteur Michel Roux avait été alerté quinze minutes à peine après le décès de Jean de Broglie ! Et Christian Chatillon, l'auteur, de reprendre le fil des heures qui ont précédées le meurtre, cernant très rapidement la fausse enquête du 36 quai des orfèvres. Il décrypte avec précision et méthode les trois journées qui l'ont précédé. Tous les suspects étaient filochés, et par l'antigang encore, avant que cette filoche ne soit suspendue... Christian Chatillon multiplie les entretiens, les lectures, dépouille tous les dossiers disponibles, tous les articles de presse, les minutes du procès... et dévoile avec une clarté exemplaire les stratégies d'enfumage des hiérarques de la police. La seule question qu'il reste à poser arrive, terrible : pourquoi faire abattre de Broglie ? Et la réponse est on ne peut plus évidente : politique. Le livre reprend. Giscard est président. Christian Chatillon éclaire la personnalité du tueur, ses contacts, la carrière politique du prince de Broglie, les règlements de compte entre les Droites qui luttent pour la prise du pouvoir. Pompidou, Giscard, Chaban... Et nous entraîne dans la coulisse du grand jeu politique français et de son affairisme proche et moyen-oriental. Dans l'ombre d'une Algérie où de Broglie s'affirme en fin négociateur de commerces douteux – les armes -, pour le compte de l'État français et de ses commissionnaires les moins amènes... Le secret des Affaires, toujours, l'ombre de l'Opus Dei, de l'OAS, du SAC, de toutes ces sales officines de la Ve République qui planent au-dessus de notre homme, qui en savait décidément trop, liquidé sur l'autel de la raison d'État et de gros privilèges personnels...

Citation

Ce que les truands à l'origine du crime semblent ignorer, c'est que leur vilain monde est farci d'indicateurs, de mouchards.

Rédacteur: Joël Jégouzo vendredi 20 mai 2016
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