Un tueur (Kaput)

Se croire protégé quand on est policier, c'est un peu comme remonter les couvertures en imaginant qu'on s'abritera des monstres.
Gilles Sebhan - Cirque mort
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

Éclipse totale
Harry Hole a été exclus de la police, ce qui ne l'empêche pas de couler des jours heureux, bouteille ...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

jeudi 18 avril

Contenu

Roman - Policier

Un tueur (Kaput)

Assassinat - Gang MAJ lundi 17 octobre 2016

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Réédition

Tout public

Prix: 21,9 €

Frédéric Dard
Préface d'Alexandre Clément
Paris : Fleuve, juin 2016
640 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-265-11628-3
Coll. "Fleuve noir. Thriller"

Entre Frédéric Dard et San-Antonio

Le gangster Kaput n'est pas réputé dangereux. C'est un simple hors-la-loi qui s'est laissé aller à braquer un bar-tabac et qui profite d'un transfert un peu peinard pour se faire la belle.
Il est pris en stop par un homme et une femme qui lui offrent l'hospitalité dans la foulée. Cela peut paraître surprenant jusqu'à ce que Kaput découvre que son sauveur est loin d'être un bon samaritain, qu'il fait des affaires plutôt louches et qu'il aurait bien besoin de personnel. Kaput accepte de rester pour trois raisons. D'une parce qu'il a besoin de se faire oublier de la poulaille. De deux parce que l'homme le payera pour ses services. De trois parce que Kaput a le béguin pour la femme. Femme qu'il ne laisse pas non plus indifférent puisqu'ils deviennent amants. L'homme fait donc de l'ombre. Mais il a du fric. Et s'il disparaissait, Kaput et madame deviendraient libres et riches. Jolie perspective qui peut se réaliser. Madame a un plan. Un plan dans lequel Kaput a le beau rôle : celui de l'assassin. Seulement pour un truand sans envergure, assassiner un homme c'est faire un grand pas vers le point de non retour. Kaput ne s'en sent pas vraiment capable. Mais par amour... par amour on peut tout, y compris devenir un meurtrier. Ainsi Kaput tue pour la première fois. Ainsi il découvre qu'il n'a pas d'états d'âme, pas de scrupules, pas de remords, qu'il a de la glace dans les veines, bref, qu'il est fait pour ça. Qu'il est fait pour tuer. Et pendant quatre aventures il va collectionner un nombre de cadavres impressionnants. Pour se défendre, par profit, par amour, par colère, par haine, par vengeance, par nécessité, Kaput va tuer encore et encore. De Paris il ira en Italie, puis repassera en France, traînera sur la Côte d'Azur avant de revenir sur la Capitale pour essayer de mettre le milieu à sa botte. La légende de Kaput est née.
C'est en 1955 que Frédéric Dard signe, sous le pseudonyme de Kaput, La Foire aux asticots et La Dragée haute, les deux premières aventures de Kaput le tueur. Suivront Pas tant de salades et Mise à mort en 1956, parus dans la collection "Spéciale-Police", et que Fleuve Noir réédite en rassemblant les quatre volumes en un seul volumineux intitulé Un tueur. Il est difficile de savoir quelle était la première intention de l'écrivain. Frédéric Dard était coutumier du fait quand il s'agissait de créer une série et un héros récurrent. "San-Antonio" bien sûr, mais aussi "L'Ange Noir", déjà pour quatre aventures en 1952/1953. Mais de là à penser que le natif de Bourgoin-Jallieu avait prémédité la production des quatre Kaput, je n'en mettrais pas ma main au feu. Ce n'est en tout cas pas l'impression qui se dégage de la lecture des œuvres 1 et 2 du tueur. On sait aujourd'hui que Frédéric Dard mit du temps à accepter le fait que sa réussite et son succès passent par le roman populaire et par "San-Antonio", qu'il digéra difficilement que sa créature fut plus célèbre que lui, et qu'il dut pratiquement se résigner à lui accorder plus d'importance avant de s'y épanouir pleinement, d'en jouir, et de reconnaître finalement quelques mois avant sa mort, que "San-Antonio" était pour lui ce qu'il y avait de plus dur à écrire, tant la rigueur demandée était colossale. Mais le chemin fut long pour que les escapades du célèbre commissaire s'écrivent en lettres de noblesse par son auteur. Véritable machine à écrire sur pattes, pisse-copie de génie, Dard, à ses débuts, ambitionne de devenir le nouveau Georges Simenon (qu'il considère alors comme son maître) versant "Romans durs". En attendant, il fait dans l'alimentaire et produit énormément, dans tous les styles, tous les genres et sous divers pseudonymes. C'est ainsi qu'en 1949, il écrit Réglez-lui son compte ! La première enquête (en fait il y en a deux) du commissaire San-Antonio, et qu'il signe San Antonio (sans trait d'union à l'époque). Un point commun avec les récits de Kaput qui sont signés Kaput. Tout comme l'utilisation de la première personne du singulier, les termes argotiques (qui restent de facture classique quand même) et le fait que les trois premiers romans peuvent se lire les uns indépendamment des autres (délicat en revanche de lire le quatrième quand on n'a pas lu le troisième). Les histoires ont des connections entre elles, mais elles peuvent se suffire à elles-mêmes. Disons que, comme pour les "San-Antonio", le personnage principal prend du vécu. À se demander donc si Frédéric Dard, en reprenant l'anti-héros Kaput, n'a pas voulu faire un anti-San-Antonio. Mais il y a un "seulement". Seulement, quand on lit "Kaput" (exception faite du quatrième) on se sent beaucoup plus proche de la littérature de Frédéric Dard (sans pseudonyme) que de celle San-Antonio. On y retrouve la mécanique machiavélique des romans noirs que Dard a appris à maîtriser en lisant James Hadley Chase et David Goodis (on pense à Dark Passage pour le début du premier roman), l'importance du personnage féminin (il y en aura trois) érigé en femme fatale, irrésistible, vamp jouant sur deux (quand c'est pas trois) tableaux, dont le héros tombe amoureux et pour laquelle il court à sa perte. Héros qui comme pour d'autres romans de Dard (mais pas les "San-Antonio") peut être quelqu'un de nuisible, quelqu'un de pas bien, un vrai sale type. Pour autant il ne manque pas d'empathie. Le fait qu'on ne le quitte jamais, qu'il soit présent de bout en bout dans chaque phrase du récit, fait qu'on finit par s'attacher à lui. Mais il ne devient jamais tout à fait sympathique car les histoires sont composées de telle manière que c'est toujours quand on commence à oublier que c'est un tueur sans pitié que la réalité du personnage nous rattrape, implacable et que Kaput tue à nouveau. C'est finalement dans les retournements de situations et les coups de théâtre, parfois rocambolesques, voire à l'extrême limite du vraisemblable, dont l'auteur est coutumier, que Kaput fait le lien entre Frédéric Dard et San-Antonio. Oui, Frédéric Dard fut bel et bien un magicien, et Kaput un des lapins qu'il sortit de son chapeau !

NdR - L'Anthologie Le Tueur (Kaput) se compose des quatre romans suivants : La Foire aux asticots ("Spécial-Police" n° 77 ; 1955), La Dragée haute ("Spécial-Police" n° 84 ; 1955), Pas tant de salades ("Spécial-Police" n° 92 ; 1956) & Mise à mort ("Spécial-Police" n° 95 ; 1956).

Citation

Soudain, un virage m'a dérobé la 203 et j'ai senti que c'était scié. Alors j'ai eu un coup de nerf. Fallait avant tout que je gare mes os. La vengeance, ce serait pour après. Ce qui comptait, c'était de ne pas me laisser offrir une paire de bracelets nickelés par les matuches... Pour éviter ça, je devais, ainsi que m'en avait persuadé cette garce d'Herminia, changer au plus vite de véhicule...

Rédacteur: François Legay lundi 17 octobre 2016
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page