Un nouveau dans la ville

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Roman - Noir

Un nouveau dans la ville

Psychologique - Social - Urbain MAJ mercredi 09 novembre 2016

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Réédition

Tout public

Prix: 28 €

Georges Simenon
Loustal (illustrateur)
Paris : Omnibus, octobre 2016
192 p. ; illustrations en couleur ; 25 x 19 cm
ISBN 978-2-258-13656-4

L'intranquille étranger

Il y a chez Simenon cet attrait pour la lenteur et les choses statiques qui ne peut que plaire à des illustrateurs dans la veine d'Edward Hopper. S'il n'est clairement pas à proprement parler dans cette filiation, Loustal est un dessinateur qui fait passer énormément d'informations et de sentiments en quelques tableaux. Déjà à l'œuvre avec Les Frères Rico, il récidive, toujours chez Omnibus, avec des inserts graphiques à l'un des "romans américains" de Georges Simenon, Un nouveau dans la ville (1950).
L'histoire se déroule dans une petite ville du Maine, non loin de la frontière canadienne avec les petits et grands trafics que l'on peut imaginer. Débarque dans cet univers au quotidien banal un homme avec un pardessus, une valise, une liasse de billets et une envie de ne surtout pas parler plus que nécessaire, et ce au moment même où la radio annonce que le meurtrier de "Morton Price, un fermier à Saint-Jean-du-Lac, a été découvert dans sa camionnette renversée au bord de la route". Pour Charlie, gérant du bar La Cantine, l'homme est un mystère qu'il va chercher à résoudre au point que cela va devenir obsessionnel. L'homme s'installe au bar. Plus tard, l'homme qui prétend s'appeler Justin Ward prendra pension en ville avant de racheter une salle de billard et de demander une licence pour vendre de l'alcool. Dans l'immédiat et dans un accès de colère sourde, Charlie alerte le sheriff (l'orthographe est de George Simenon) Kenneth Brookes car il croit tenir le meurtrier du fermier ou du moins un individu indésirable. Il faut dire qu'il n'est pas très sympathique. Le lecteur a juste conscience qu'il traine son passé comme un fardeau. Pendant ce temps, l'homme ne fait que susciter des inimitiés par ses silences, mais aussi par ses actes. Ceux-ci sont parfois étranges comme lorsqu'il demande à l'une des pensionnaires de Mrs Eleanor Adams de mettre des chaussures à talons hauts avant de passer la nuit avec lui. Le FBI demande au sheriff de ne surtout pas embêter Justin, mais l'irruption dans la ville d'un trafiquant va changer la donne car il prendra alors le lit la peur au ventre. George Simenon aurait pu se contenter de cette simple trame que n'aurait pas reniée Ernest Hemingway (on pense à sa nouvelle "Les Tueurs"). Il n'en est rien car il va éclaircir le mystère qui plane autour de Justin Ward, et qui révèlera les bassesses humaines comme les aime le romancier belge avec dans le même temps une chute inexorable et voulue. Surtout, George Simenon accompagne son récit de deux autres personnages emblématiques du roman : le Yougo et Bob Cancannon. Le premier est un immigré qui ne parle pas très bien anglais, passe son temps à boire, vit avec deux femmes et travaille dur. Le second est un fils de, qui vit malgré lui dans l'héritage que ses ancêtres ont laissé à la ville, qui boit et qui dort, et qui accessoirement est avocat. Les deux vont se rencontrer par la force des choses (ou par l'entremise conjointe de Justin et Charlie). Ils vont surtout éclairer un pan de la ville comme aurait pu le faire Edward Hopper, et comme le fait justement Loustal dans ce roman noir, psychologique et dense.

Citation

Ward avait fini par suivre Main Street jusqu'au bout, rasant les maisons, se retournant sans cesse, regardant dans la glace des vitrines, puis, comme on se jette à l'eau, il avait foncé dans le quartier de la tannerie qu'il avait traversé en courant presque et en entendant derrière lui l'écho de ses pas sur le trottoir.

Rédacteur: Julien Védrenne mercredi 09 novembre 2016
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