La Nuit est leur royaume

Une chose ou dix, Mimsy, on retrouvera ma mère, on enverra chier les start-up, le storytelling, les cookies surannées et les business plan, pan ! On ne sera titulaires d'aucun mot de passe, d'aucun prélèvement automatique, d'aucune mise à jour, on sera une zone libre, sans tapis roulants, du bonheur en flux tendu, en tube, en spray, en poudre, et on fera des détours, des crochets, on rampera dans les passages secrets par Venise Elise, retrouver la pièce cachée du père de Zanette, Titien et mayonnaise...
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Contenu

Roman - Policier

La Nuit est leur royaume

Politique - Enlèvement - Corruption MAJ mardi 17 janvier 2017

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22 €

Wessel Ebersohn
Those Who Love Night - 2010
Traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Fabienne Duvigneau
Paris : Rivages, octobre 2016
398 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-3782-8
Coll. "Thriller"

Corruption nocturne

Pendant de longues années, l'Afrique du Sud a été montrée du doigt comme le pays honteux de l'Afrique, celui où le système blanc oppressif continuait les prolongations de l'ancien monde colonialiste. Mais avec la fin de l'Apartheid, le triomphe de Nelson Mandela, les choses évoluent lentement dans ce pays et les projecteurs se sont focalisés sur les pays aux alentours. Longtemps cachés par le trou noir sud-africain, le Zimbabwe passa lui aussi d'un système contrôlé par de riches blancs à un État aux mains des anciens opposants. Le président, à peine élu, y a même installé ses amis. L'inverse du Mal n'est pas forcément le Bien, mais parfois le même Mal prodigué cette fois par les anciennes victimes. Le Zimbabwe est ainsi devenu une dictature confisquée par le président et ses hommes, souvent corrompus, prêts à dépouiller les anciens colons qui avaient, au moins, l'expertise économique ou agricole, pour que les nouveaux vainqueurs se parent des dépouilles. À cette politique peu délicate pour les anciens maîtres, les conflits inter-ethniques ont aussi cimenté la nouvelle société.
Abigail Bukula, personnage récurrent de Wessel Ebersohn, est juriste au ministère de la justice d'Afrique du Sud. Comme beaucoup de d'Africains, les frontières créées par les Européens ont coupé les liens familiaux, et une partie de sa famille se trouve donc au Zimbabwe. Le roman débute lorsqu'un jeune avocat la contacte pour lui demander de l'aide. Elle n'hésite que quelques instants. Parmi les opposants au régime, un groupe de sept jeunes gens a disparu des radars sans que l'on puisse savoir s'ils n'ont pas purement et simplement été mis au secret. Parmi eux, le propre cousin d'Abigail. Elle se rend sur place pour découvrir une société morcelée, angoissée, scrutant avec attention chaque mouvement comme pouvant être un piège valant une peine de prison ou une disparition. Dès le début de son enquête, elle rencontre l'un des chefs de la police secrète locale. Ce dernier commence à la draguer et elle est sur le point de céder... Mais quel jeu trouble joue justement ce policier ? La vérité sera bien entendu complexe. Elle pourra alors compter sur l'aide de son ami, le psychologue Yudel Gordon...
Le roman montre avec soin des situations confuses : Abigail Bukula croit en la justice mais son propre gouvernement refuse que l'on enquête sur le parti au pouvoir. Mise de côté, elle est aussi déstabilisée par la relation avec son mari, une relation qui se délite, et par les sentiments confus qui la poussent vers le chef de la police secrète. Elle oscille également car elle a du mal à comprendre les enjeux de pouvoir au Zimbabwe, et elle ne trouve pas son compte, ni avec l'avocat des opposants, ni même avec son propre neveu dont elle ne sait pas trop s'il s'agit d'un honnête opposant ou d'un terroriste. Dans la moiteur d'un pays qui se maîtrise mal, dans la confusion de ses sentiments, dans la torpeur d'un régime dictatorial qui joue tellement avec le mensonge d'État que toutes les relations quelles qu'elles soient sont faussées, le roman semble décrire par cercles concentriques un pouvoir si corrupteur qu'il ne peut que salir, détruire et pourrir même ceux qui s'y opposent. C'est cette ambivalence, qui touche tous les personnages, liée aux terreurs nocturnes - ce n'est pas un hasard si le roman s'ouvre par une attaque de nuit d'un village et la fuite éperdue des habitants, et qu'alors que nous sommes dans des endroits censés être baignés par le soleil, tout se déroule dans l'ombre des prisons, des cellules, des camions, dans la nuit, dans les pénombres où les êtres se frôlent, se cherchent et veulent s'éviter, où l'on abat comme des chiens des avocats -, qui fonde un thriller de facture très classique, de style limpide et maîtrisé. La Nuit est leur royaume, écrit par Wessel Ebersohn, un précurseur de la littérature noire sud-africaine est la confirmation de plus de son talent pour disséquer au plus près la réalité qui l'entoure.

Citation

À présent qu'elle avait des enfants, Janice s'éveillait à la moindre alerte. Un craquement nouveau ou légèrement altéré, une odeur de fumée inattendue, un mouvement dans la maison - toute anomalie, aussi infime fût-elle, la tirait aussitôt du sommeil.

Rédacteur: Laurent Greusard mardi 17 janvier 2017
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