Le Diable et Sherlock Holmes

Et ce que l'on ne pouvait pas ne pas voir tout de suite, ce qui attirait la vue, ce qui la fixait comme une hallucination dans ce spectacle d'horreur, c'était l'auriculaire de cette main gauche tranché à sa base, arraché plutôt, semblait-il, tant une bouillie de sang et de chair, qui avait teint de rouge toute la main, en signalait la barbare, l'incompréhensible, l'effrayante amputation.
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Essai - Policier

Le Diable et Sherlock Holmes

Historique - Énigme - Faits divers MAJ samedi 16 mars 2019

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Réédition

Tout public

Prix: 23 €

David Grann
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Johan-Frédérik Hel Guedj, Marianne Reiner, Violaine Huisman, Claire Debru
Paris : Le Sous-sol, mars 2019
464 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-36468-386-0
Coll. "Feuilleton non-fiction"

Un diable très copieux

David Grann est un "journaliste narratif" américain, adepte des enquêtes fouillées, aux thèmes variés, et dont les supports, principalement le New Yorker, lui permettent de publier des textes d'une quarantaine de pages, format qui l'a imposé dans le domaine très à la mode de la non-fiction. En France, le lecteur l'a découvert grâce à l'édition de petits livres chez Allia dont les trois meilleurs sont réunis ici avec neuf articles inédits. On retrouve donc Le Caméléon sans doute l'histoire la plus incroyable, celle de Frédéric Bourdin qui a passé plus de dix ans à changer d'identité(s) à travers le monde pour se faire recueillir et aimer, allant même, à près de trente ans, à être convaincant en collégien ! Son coup d'éclat ? Se faire extrader d'Espagne en se faisant passer pour un petit Américain disparu depuis des années. Comment s'en sortira-t-il en retrouvant "sa famille" ? Trial by Fire est une enquête incroyable sur l'incendie d'une maison qui coûta la vie à une fillette de trois ans et à ses deux sœurs jumelles d'un an, leur père présent se trouvant accusé. Un crime parfait est une autre perle : en Pologne, un flic s'acharne sur un écrivain "décadent" pour établir sa culpabilité dans le meurtre d'un homme. Le flic se servira des indices trouvés... dans le roman de l'écrivain !
Dans le recueil présent, hormis ces trois histoires déjà parues, on découvrira la vie d'un braqueur dandy de quatre-vingts ans et celle d'un fan de Sherlock Holmes étranglé avant une fabuleuse vente aux enchères d'archives de sir Arthur Conan Doyle. Mais aussi la vie d'un fameux joueur de base-ball et celle d'un pompier du 11-Septembre, seul survivant de sa brigade, et devenu amnésique. Deux démantèlement de mafias sont étudiés : celui du plus grand réseau criminel mis en place par des détenus à travers de multiples prisons, et celui d'une ancienne région minière appelée Crimetown avec sa cascade de personnalités corrompues. Enfin, on apprendra tout sur le système des aqueducs souterrains de New York et tout sur le calmar géant dont un passionné a entrepris la recherche sous la forme de larve, bien plus facile à élever en aquarium. Enfin, on finira par le portrait d'un agent immobilier new-yorkais (c'est le Diable du titre), accusé d'avoir été le chef d'un escadron de la mort en Haïti...
Pour toutes ses enquêtes, David Grann se met "en immersion". Il se rend sur les lieux et interroge le maximum d'intervenants, remontant parfois au plus haut de la hiérarchie. Il se plonge aussi dans les archives et se montre souvent un historien passionnant quand il retrace, par exemple, le système d'arrivée d'eau potable dans les entrailles de New York, ou les récits stupéfiants (dont celui d'Olivier de Kersauson) sur des calmars géants de près de vingt mètres. Son récit est souvent dense, avec des verbes conjugués à tous les temps, sautant du présent au passé, du futur au supposé, des questions aux rapports, avec un rare "je" qui le fait apparaître soudain comme l'enquêteur n'ayant pas renoncé à s'effacer. C'est ce qui fait sa force littéraire mais aussi sa faiblesse. Sans doute souffre-t-il de la multiplicité de ses traducteurs car ce style américain avec insertions de morceaux de paroles et entassement de noms, n'est pas sans rappeler ces reportages télévisés où les interviews de dizaines d'intervenants se retrouvent coupées en petites phrases et mélangées en fonction de la progression dramatique.
Ce recueil permet donc au lecteur français de reconnaître David Grann comme un auteur qui ne se cantonne pas seulement au domaine criminel mais aussi à l'aventure, à l'histoire, à la politique, à la sociologie, à la science. Il nous l'a d'ailleurs prouvé avec ses grands récits que sont La Cité perdue de Z (Robert Laffont, Points) et La Note américaine (Globe, Pocket). Revers de la médaille : ce recueil peut aussi apparaître au lecteur comme fouillis et indigeste car trop copieux.
Et si les enquêtes de David Grann étaient seulement faites pour être lues individuellement, dans un petit livre ou dans un magazine ? Alors, pour ce recueil, prenez du temps entre chaque histoire.

Citation

En Amérique, il existe des dizaines de gangs : les Crips, les Bloods, les Latin Dragons, la Dark Side Nation, la Lynch Mob. Mais l'Aryan Brotherhood est l'un des rares à avoir vu le jour en prison.

Rédacteur: Michel Amelin samedi 16 mars 2019
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