Out

Dans la nouvelle d'Edgar Poe, la lettre se trouvait en permanence à la vue de tous ; seulement personne n'y prêtait attention. Si, comme l'a écrit Chesterton, le sage est celui qui dissimule une feuille d'arbre dans une forêt et un galet sur une plage, quelle meilleure cachette pouvait-on imaginer pour une lettre volée qu'un bureau de poste ?
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vendredi 19 avril

Contenu

Roman - Thriller

Out

Psychologique - Social MAJ lundi 21 décembre 2009

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 8,5 €

Natsuo Kirino
Out - 1997
Traduit du japonais par Ryôji Nakamura, René de Ceccatty
Paris : Points, juin 2007
18 x 11 cm
Coll. "Thriller", 1726

Saison crue

Out commence dans la sueur, le travail à la chaîne, les sushi industrialisés loin des kimonos fantasmés de l'occident. Des femmes à l'usine et on est déjà dans le roman social, dans un périmètre gardé et tabou de la société japonaise contemporaine.
Des femmes jeunes mariées et qui travaillent, d'autres la cinquantaine célibataires, des divorcées, des naïves, des douces et d'autres qui frappent leur mari. Un monde inversé, introverti, où un petit groupe de femmes que tout oppose fomenteront l'assassinat de leurs maris respectifs.
Dans un mélange cru où se frottent la chair de l'homme et le poisson, où l'innocence découpe sans pudeur sa souffrance accumulée.
Un livre à la voix féminine, féministe ?, au Japon où l'œuvre fit sensation, bien des lectrices vous diront avec quelle jouissance elles ont lu cette histoire, mais paradoxalement il y a bien là aussi ce fantasme masculin, cette attirance indicible pour ces femmes fortes qui s'en prennent à la société des hommes comme elles partiraient en guerre.
Mais un conflit sans règle où la justice suivant ses convictions personnelles n'a d'autre voie que celle du sang.
L'écriture de Natsuo Kirino, souffle en saccades, fait violence au lecteur, le prend par le cou, le menace et ne le quitte plus. Les hommes ici sont vils, lâches mais jamais caricaturaux et parfois, rareté il est vrai, bons. Mais dans Out on ne reste jamais bien longtemps, bon.
Chronique sociale en contre-choc d'une réalité encore trop masculine où la femme une fois mariée quitte son travail pour se faire encore pilier de la maison, où une femme de plus de vingt-huit ans non mariée se retrouve vite sous les yeux médisants de ses consœurs.
Le Japon change et peut être aux yeux de l'auteur bien trop lentement. Ce monde à besoin de claques et Natsuo Kirino s'y attelle avec ardeur et violence. Il n'est plus temps de dénoncer mais d'attaquer ; la théorie n'est bonne qu'à se laisser mourir. Seul l'acte vient à compter.

Chez Natsuo Kirino, les femmes parlent des hommes et souvent avec justesse, ce qui fait peur c'est qu'elle donne cette impression désagréable d'être derrière nos pensées prête à surgir à tout moment criant "Coupable !.
L'écriture est fluide mais brute, la violence est douce mais crue, on y parle comme apeuré, en tension comme surveillé, on y ment pour se cacher. Et puis comme une apparition il y a la belle japonaise, la paix de son visage dans la lumière, ses enfants jouant à côté, et ses mains découpant consciencieusement son mari.
Le verbe est manié avec vivacité, la découpe est nette, on pense à Ellroy, à Selby Jr, les démons sont ici remarquables, effrayants parce qu'ils sont nôtres.

Out, - "En dehors de…" - raconte donc ce quotidien sur le rebord d'un monde. De ces gens à l'écart, de ces femmes victimes des temps modernes qui croiseront ces ouvriers immigrés, eux aussi out. La force de ce roman de Natsuo Kirino est que cette violence extrême et ponctuelle se transforme en un fait divers gentil au regard de la société, qui est la grande gagnante de ce combat. La moral si l'on veut, est que le système est plus fort, vous auriez dû le savoir ! Ici les personnages sont morts avant d'avoir vécu, et vous, vous êtes vaincu avant d'avoir lu.

NdR - Le roman a obtenu le Grand prix du roman policier du Japon en 1998. Il a également été adapté en série télévisée.

Citation

Avant quand j'apprenais qu'on avait découpé quelqu'un en morceaux, je trouvais ça vraiment cruel. Mais ce n'est pas ça. Bien démembrer un mort, c'est le traiter avec respect.

Rédacteur: Kristophe Noël mardi 15 décembre 2009
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