La Défaite des idoles

Faire du renseignement, c'est observer à la jumelle les prodromes d'une guerre mondiale se dérouler comme un banal accident de la route. Faire du renseignement, c'est obtenir d'un homme qu'il dise même ce qu'il ne sait pas.
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Roman - Policier

La Défaite des idoles

Politique - Terrorisme - Complot MAJ lundi 02 mars 2020

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20,9 €

Benjamin Dierstein
Paris : Nouveau monde, février 2020
634 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-36942-884-8
Coll. "Roman policier"

Le pouvoir est au bout du fusil

Nous sommes à quelques semaines de l'élection présidentielle de 2012. Les boules puantes commencent à fuser. Il parait que des documents impliquant le candidat Sarkozy en lice pour sa réélection autour de dons d'argent de la part de Kadhafi pourraient sortir. Or, justement, le dictateur vient d'être abattu, soit disant par des rebelles lybiens mais de fait par un homme qui porte un curieux tatouage de cobra dans la nuque. On reverra cet homme passer comme une ombre à travers les six cents pages de ce nouveau roman de Benjamin Dierstein.
D'un côté il y a Kertesz, un homme qui vient d'être viré de la police. Avec son ami Didier, il continue à travailler pour ses affaires personnelles et est aussi sans doute lié aux socialistes. Pour travailler, il s'est associé avec des truands corses, des petits trafiquants de drogue et entend monter un réseau lié aussi à des Albanais. De l'autre côté, les services de police sont sur les dents car les pistes se multiplient autour des papiers de Kadhafi. Certaines commencent même à arriver dans les bureaux des journalistes. Pour le service où a atterri Laurence Verhaegen, très liée aux réseaux les plus ouvertement sarkozystes, il convient de faire disparaitre ces rumeurs, en utilisant n'importe quel moyen. En même temps, pour redorer le blason du service, il convient de mettre la main sur un terroriste qui commence à effrayer tout le monde du côté de Toulouse. Dans son envie de choper Kertesz, Laurence est même prête à lier l'affaire avec les réseaux de drogue et ceux du terrorisme, ce qui n'est pas tellement compliqué tant ces différents milieux s'interpénètrent. Dès les premiers chapitres, Kertesz est plongé dans l'action : il doit se financer, trouver les moyens de quitter le pays avec un petit magot et s'occuper de sa "belle sirène", une femme dont il est amoureux et a qui perdu une jambe et un bras. Il doit aussi se charger de venger son ami Didier retrouvé mort sans doute parce qu'il s'approchait trop près de la cachette des documents.
Voilà juste le point de départ de ce roman, pouvant se lire de manière extrêmement limpide et indépendante, même s'il s'agit de la suite (et sans doute fin) de La Sirène qui fume. Comme pour le premier volet, ce roman est une bombe, à la fois policière et stylistique. L'auteur maitrise avec soin sa narration, assumant les changements de points de vue (principalement les deux policiers que nous avons évoqués) et les différents niveaux d'intrigue - le monde de la grande truanderie, l'univers politisé des hauts fonctionnaires et cadres policiers du régime, les petits truands de banlieue et les islamistes cachés au fonds des déserts libyens. On passe ainsi dans ce foisonnement d'histoire secrète, servi par une narration haletante, qui montre que, sans le copier (l'auteur a sans doute beaucoup appris en lisant James Ellroy), combien les âmes des protagonistes sont noires, comment les coups fourrés sont de mise, comment l'on trahit son propre camp pour une récompense supérieure en quelques minutes, même si parfois c'est avec dégoût. En quelques lignes descriptives ou imagées, Benjamin Dierstein nous fait vivre avec des terroristes dans la chaleur et la peur omniprésente de la rébellion libyenne, dans les planques de truands attendant la livraison d'une tonne de drogue ou dans les relations complexes entre les différentes factions qui veulent s'emparer du pouvoir ou le contrôler. Des flashs d'actualité ponctuent et relancent les actions imprimant vraiment l'impression d'un auteur cernant au plus proche de l'os la réalité glauque et noire du lieu où les pouvoirs, tous les pouvoirs (l'argent, la politique, la drogue, la possibilité de gérer la mort et la vie, de défaire les carrières, le sexe) se conjuguent. Comme pour ce brave James Ellroy, on en vient au bout de ce laminoir, où le lecteur a été concassé, à espérer que le roman ne s'arrête pas. Une réussite !

Citation

On a besoin d'un homme de terrain pour conduire ces opérations. On a besoin de tes vingt ans d'expérience aux Stups pour nous aider à inonder le marché parisien sans risque.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 02 mars 2020
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