Un soupçon d'héroïsme

À peu près, plus ou moins : son visiteur venait à l'évidence d'un monde d'approximations, où la perception, le jugement, les faits mêmes étaient comme en suspens, susceptibles de changer de place à tout moment.
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Roman - Policier

Un soupçon d'héroïsme

Politique - Disparition - Superhéros MAJ mercredi 10 juin 2020

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22 €

Clément Reychman
Paris : Flammarion, février 2020
602 p. ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-08-148923-3
Coll. "Littérature française"

Super-héros sur le retour

Pendant très longtemps, on a cru que les super-héros étaient principalement des personnages issus de l'imaginaire américain. Serge Lehman, auteur de science-fiction, a initié une relecture des titres du début du XXe siècle pour montrer qu'il existait aussi une culture du super-héros à la française, une culture qui avait malheureusement disparu, et n'était ressorti que sous des à-cotés sympathiques mais marginaux, que ce soit "Super-Dupont" ou la série Hero Corp (avec entre autres des acteurs venant entre de Kaamelot). Clément Reychman réactive cette idée en la liant à des enjeux politiques. Dans son roman, il sera question d'un Président inventé, derrière lequel on reconnaitra sans doute un récent homme d'État français maniant le karcher, qui aurait en France essayé de relancer les "super-héros". En effet, on s'est aperçu que certains humains avaient des pouvoirs qui les distinguent de la masse. On aurait même essayé de créer une brigade de ces agents pour lutter contre le crime, mais il faut bien dire que cela n'a pas marché et que le groupe a été dissous.
Issu ce groupe, le mystérieux Slipman dont on vient d'enlever le fils. Pourquoi ? Qui se cache derrière cet enlèvement ? Avec l'aide d'un certain Macassar dont les pouvoirs sont assez étranges, le capitaine de police Bakayoko essaie de mener une enquête difficile. En effet, les super-héros retournés à l'anonymat ne veulent pas trop parler, les gouvernements qui s'en sont servi cachent bien des choses, et le capitaine a déjà beaucoup à faire avec sa vie familiale, son goût immodéré pour l'herbe qui fait rire, et des secrets que chacun conserve. L'enlèvement en lui-même est quasiment anecdotique et sert de prétexte à une enquête qui part un peu dans tous les sens, qui manie un humour décalé (certains pouvoirs sont idiots comme celui de Poilor qui peut faire pousser ses poils de la longueur et du volume qu'il souhaite ; il pourrait ensevelir un pays sous ses poils ou ruiner l'industrie cotonnière mondiale). Il faut donc accepter l'étrangeté de la situation, la multiplication des scènes qui ont peu d'intérêt avec l'intrigue mais développent des points sur les personnages (leurs actions, leurs phobies). Le roman se laisse pourtant lire de bout en bout tant on se demande où va aller l'auteur et comment il va s'en sortir. Étrangement, il s'en sort et le roman est d'une lecture agréable (une fois dépassé un premier quart où le lecteur se pose quand même quelques questions). Tout ça se rapproche d'ailleurs bien de la série Hero Corp (pour les connaisseurs happy few) qui partait une peu dans tous les sens et où il fallait accepter la suspension de la réalité pour entrer dans l'univers. Donc, une fois dépassé cet aspect un peu particulier de l'intrigue, on a un roman polar plus proche de l'univers d'un Raymond Queneau ou d'un Alan Moore que de celui d'un réalisme strict. Un soupçon d'héroïsme possède un charme certain auquel le lecteur sera sensible... ou pas.

Citation

Il aurait aimé en découdre. Heureusement pour lui, les occasions de faire régner la justice étaient à tous les coins de rue. Ce n'était que partie remise.

Rédacteur: Laurent Greusard mercredi 10 juin 2020
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