Se souvenir encore des orages

Avant la disparition des trois millions de dollars, avant l'attentat et la chasse à l'homme qui paralysèrent Miami à la fin du mois d'avril 1984, Bobby West et la femme qui n'était pas son épouse se trouvaient nus sous la douche. West était un homme d'âge moyen, empâté, aux yeux gris-bleu larmoyants et à la pâleur germanique. Il paressait sous le jet d'eau bouillant sans penser à rien.
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Roman - Noir

Se souvenir encore des orages

Social - Énigme - Rural MAJ vendredi 26 août 2022

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21 €

Pierre Pelot
Paris : Presses de la Cité, août 2022
318 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-258-19968-2
Coll. "Romans Terres de France"

Se réconcilier avec soi

Donovan Donnelly se sent vieux et surtout fatigué. Il a plus de soixante-dix ans avec un long passé derrière lui : journaliste, caricaturiste, il a eu quelques amis fidèles et une femme avec laquelle il a bien vécu. Il a aussi un enfant aujourd'hui décédé, ce qui sans doute est sa croix. Sans que nous sachions pourquoi (mais cela se dévoilera finement au cours de l'histoire), il se rend dans un établissement hôtelier perché sur une des crêtes vosgiennes, un bâtiment géré par une famille depuis six générations qui, à côté de son accueil des touristes, est aussi le lieu où sont logés des chevaux de différents propriétaires. La dernière descendante de la famille, Alison, accueille alors le vieil homme. Tous se demandent si Donovan n'est pas venu pour écrire un article sur la famille. Bientôt, d'autres événements étranges se déroulent car l'hôtel va être l'objet d'attaques de la part de ces mystérieux personnages qui tuent ou blessent les chevaux. Tandis que le compagnon d'Alison et ses amis entament des surveillances autour des prés et des bâtiments où sont paissent les animaux, une autre tragédie arrive sur les lieux. En effet, annoncé depuis le début du roman sous forme de rumeur, le confinement se met en place. Alors que les derniers clients partent, Donovan Donnelly décide de rester. Mais pourquoi ? Alison et son compagnon se demandent même pourquoi il regarde souvent et avec un peu d'insistance Alison. Serait-ce la perversion ou bien l'envie d'écrire un article sur les chevaux et les crimes qui pourrait le relancer ? Mais son regard est plus profond.

Ceux qui connaissent l'œuvre (et la vie) de Pierre Pelot reconnaîtront au fil du roman des éléments dont ils ont connaissance ou qui parcourent déjà les autres titres de l'auteur (une vision de la nature, des Vosges, les jeux enfantins, les petits soldats et indiens de plomb, colorés). Le récit alterne donc une série de flashbacks sur le passé de Donovan Donnelly (un passé qui oscille entre réalisme et des éléments "fantastiques" ou du moins fantasmés, avec notamment une surprise très bien amenée même si elle reste inexpliquée) et une description elle aussi décalée, à la manière d'un Stephen King, qui se soucierait aussi de la nature dans laquelle il opère, d'un hôtel perdu au sommet des Vosges, où les personnages semblent apparaître et disparaître, au fil de motivations fluctuantes, où les "peurs" contemporaines, à la fois réelles et avec des éléments absurdes (le Covid et les mutilations de chevaux) répondent à la vie du personnage qui contient elle aussi des éléments réels (les descriptions de l'auteur sur la nature, sur la vie au quotidien, la fabrication d'un atelier artistique, des jeux, etc.) et des moments que l'on pourrait qualifier d'absurdes ou incongrus ou anormaux (la mort d'un enfant, la survie d'une amitié). Ainsi le roman se répond dans sa phase ancienne et celle contemporaine pour montrer en plus d'une histoire forte et prenante, où le lecteur doit donner sa part, une réflexion intelligente et sensible sur la mort, la résilience possible, sur le silence obligatoire car il est des choses qui ne peuvent se dire, sur la vie, la nature et la mort. Se souvenir encore des orages est le prolongement d'une œuvre singulière, qui l'embellit une fois de plus d'un titre qui a toute sa place dans la bibliothèque d'un honnête lecteur.

Citation

On apercevait des gens, parfois, à l'arrière des maisons, dans la lumière crue à peine née et les ombres sans fin dépliées au ras du sol ou plaquées sur les bardages au levant des choses. Des gens déjà debout, parmi les cabanes de jardin en planches grises et tôles marquées de rouille, rodeurs matinaux bossus inspectant des espoirs de culture rabougries. Le soleil livide n'avait pas encore choisi sa couleur.

Rédacteur: Laurent Greusard vendredi 26 août 2022
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