La Traque

Faut voir la honte que je me tape avec lui au bout de ma laisse. Pour me donner l'air encore plus méchant, il n'a rien trouvé de mieux que d'utiliser une chaine de moto pour me tenir. C'est lourd, c'est bruyant. Ça ne sert à rien.
Paul Séré - Les Contes du Seum
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

Éclipse totale
Harry Hole a été exclus de la police, ce qui ne l'empêche pas de couler des jours heureux, bouteille ...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

jeudi 28 mars

Contenu

Roman - Noir

La Traque

Politique - Corruption - Presse MAJ dimanche 26 février 2023

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 15 €

Sacha Filipenko
Travlia - 2016
Traduit du russe (Biélorussie) par Raphaëlle Pache
Paris : Les Syrtes, janvier 2020
216 p. ; 20 x 12 cm
ISBN 978-2-940628-44-5
Coll. "Littérature étrangère"

L'ours et les chiens

La Russie (et par extension les langues slaves) a une longue tradition portée vers une écriture romanesque visant à travers un cas concret et très réaliste à décrire les situations ubuesques ou dystopiques qui règnent dans son pays. Avec La Traque, c'est dans cette tradition que s'inscrit l'auteur biélorusse Sacha Filipenko. Une scène revient dans le roman et en donne le ton : on creuse un trou dans lequel on place un ours attaché à un pieu, puis on lâche sur lui des chiens affamés et l'on engage des paris. Mais autant les chiens sont hargneux et mobiles, autant le plantigrade est acharné à défendre sa peau, et le combat s'avère souvent incertain. Cette scène est comme une parabole du roman qui va voir évoluer un journaliste intègre qui entend révéler des affaires de corruption auquel est mêlé un oligarque, ce qui va donner des oppositions elles aussi incertaines. Il se trouve que le fils de cet oligarque veut devenir footballeur et que son père achète l'équipe pour faire jouer son fils ce qui fait de ce dernier la tête de turc de ses coéquipiers. Un jour, ivre, le sportif raconte au journaliste une partie des exactions de son père. Mais, face à lui, l'oligarque va engager une équipe très douée qui monte un plan diabolique : le but n'est pas d'abattre la journaliste, ce serait trop facile, mais de lui pourrir la vie en utilisant l'âpreté de la vie quotidienne d'un régime autoritaire (intimidations, manipulations, harcèlement...) pour le forcer à fuir à l'étranger.

D'un point de vue stylistique, le roman de Sacha Filipenko s'inscrit là aussi dans la tradition slave de ces écrivains qui décryptent avec ironie des personnages ballottés, passant de l'exaltation la plus extravagante à la morosité la plus noire, des situations réalistes vues avec une charge humoristique dans la lignée d'un Franz Kafka : on retrouve ici les deux "commis", préposés aux basses œuvres et qui s'installent dans l'appartement en dessous du journaliste pour l'épier, et faire assez de bruit pour réveiller son bébé qui alors prend le relais de mur sonore face au pauvre journaliste. Ici, en plus, les techniques modernes sont utilisées pour décrédibiliser le brave garçon - rumeurs sur Internet, fake news en tout genre afin de le faire craquer, mouvements de foule hostile qui viennent sous ses fenêtres... Il faut apprécier ce genre de littérature, ancré plus dans la littérature générale et très "typé" russe pour savourer le charme de ce roman-conte dans la tradition des Zamiatine et Zinoviev (en plus resserré), voire d'auteurs plus anciens comme Gogol.

Citation

Je ne me rappelle plus exactement, mais je pense qu'une semaine environ après le début de l'opération, des articles accusant Piaty ont commencé à paraître dans la presse. Certains de mon cru, d'autres de la plume de Kalo. Ayant flairé d'où soufflait le vent, les écrivains patriotes sont entrés dans la danse, sans même que nous ayons besoin de les payer.

Rédacteur: Laurent Greusard dimanche 26 février 2023
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page