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Grand format
Inédit
Tout public
Favre, janvier 2023
546 p. ; illustrations en noir & blanc ; 24 x 15 cm
ISBN 978-2-8289-1982-5
Soulever les masques et les voiles
Comme le sous-titre - "Un secret d'État révélé" - l'indique, nous voilà dans un essai historique qui cherche à revenir sur l'une des grandes énigmes de l'Histoire de France, une énigme qui a déjà fait couler beaucoup d'encre. Christophe Roustan Delatour prend toute l'Histoire à bras le corps. En s'appuyant sur les archives, sur les rapprochements faits par d'autres, il va dans un premier temps reprendre toute l'histoire du prisonnier, depuis son arrestation, déjà en soi mystérieuse et qui cache déjà le nom de la "victime", même s'il sera nommé dans la correspondance entre le directeur et son ministre sous le nom d'Eustache Dauger. Puis il va détailler les différentes prisons où il va passer, toujours en compagnie de Saint-Mars, son directeur de geôle. Le déroulement chronologique détaillé de chaque cellule, des précautions prises va permettre dans un premier temps de nous dresser un système pénitentiaire assez étrange, surtout pour les personnes soumises à des lettres de cachet, et notamment du coût de chaque prisonnier. Ce détail des dates permet de réfléchir et de neutraliser certaines hypothèses sur l'identité du Masque. Par exemple, certains ont dit qu'il s'agissait de Fouquet. Or ce dernier était déjà en prison lorsque Dauger y arriva. Ensuite, Christophe Roustan Delatour va analyser autour de Saint-Mars l'ensemble des éléments qui montre que ce dernier, loin d'être un geôlier inculte, sauvage et garde-chiourme, a été un fin manipulateur qui a rempli sa mission de protéger un prisonnier tout en l'empêchant de communiquer, en multipliant les fausses pistes afin que personne ne comprenne réellement qui était la vraie personne cachée sous le "Masque de fer" (même si l'idée de masque de fer est sans doute plus une légende que la vérité). De nombreuses fausses pistes (que l'auteur, reprenant le mot de Saint-Mars, appelle les contes jaunes) auraient permis selon Christophe Roustan Delatour de pousser des historiens, des amateurs vers des solutions fausses. Ne prenons ici qu'un exemple également, un prisonnier italien avait partagé la première prison de l'inconnu, ne l'a pas suivi dans ses différentes geôles. Mais le directeur a fait suivre ses vêtements comme s'il changeait de lieu, puis avait fait noter son nom légèrement déformé sur les registres de l'enterrement du mystérieux personnage. Enfin, une fois résumés, comme dans une démonstration impeccable, tous les fils de ses déductions, l'auteur nous offre une solution (que nous nous garderons bien de dévoiler) mais qui permet d'expliquer (à supposer qu'il n'ait pas triché en cachant d'autres éléments, comme il le reproche à d'autres chercheurs) qui se cachait derrière le masque. Une solution élégante et amenée à la fin d'une enquête rigoureuse, documentée, appuyée sur des sources diverses et replacées dans leur contexte. Ce n'est peut-être pas la solution à cette énigme, mais comme pour Jack l'Éventreur, il y aura sans doute toujours un doute. En tout cas, le livre, érudit et parfois avec des pointes d'humour, est construit avec soin, déroule ses arguments de manière convaincante et offre une réponse logique de la part de celui qui a été commissaire de la première exposition d'envergure consacrée à l'Homme au masque de fer. En plus, tout cela se lit comme un roman et c'est un plaisir supplémentaire à ne pas négliger.
Citation
Certaines histoires ont la peau dure. Chuchotées au coin du feu, transmises de bouche à oreille, embellies, brodées, déformées, elle acquièrent au fil des siècles des significations nouvelles, en résonance avec l'esprit du temps.