Après sept dernières années à jouer aux dames à l'ombre, Joe Denton, ex-flic toxico et pourri, foule à nouveau l'asphalte de Bradley, Vermont. Le problème, c'est que depuis qu'il a tailladé le visage du district attorney Phil Coakley avec un coupe-papier, il est persona non grata dans tout le comté. Il faut dire que Phil l'avait surpris en train de mettre le feu à son bureau pour éliminer des preuves compromettantes. Sa réaction quelque peu excessive, en plus de l'accusation d'incendie volontaire, lui ont valu ces longues vacances au trou, mais aussi la haine de la communauté locale, bien pensante ou non.
Même ses parents l'accueillent à contrecœur chez eux. Son ex-femme l'empêche de voir ses filles, il n'a plus de travail, la fille du DA tente de le faire inculper pour tentative de viol… tout va mal. Quand en plus il apprend par Dan Pleasant, le shérif véreux, que l'ex-parrain local, Manny Vassey, est sur son lit de mort et pourrait se mettre à table avant de casser sa pipe, ça commence à faire beaucoup pour Joe, qui entame une descente vers l'enfer du monde des bookmakers, de la coke, de la prostitution et autres réjouissances macabres.
Un fils de parrain psychopathe qui découpe les gens en morceaux, une infirmière timide qui euthanasie ses patients, un patron de boite de strip-tease qui joue les macs à ses heures perdues… des rencontres hautes en couleurs qui sont autant de raisons pour Joe d'abandonner progressivement tout espoir d'en sortir vivant. La rédemption se dessine sous les traits d'une présentatrice télé amatrice de voyous dans son genre, mais en vain. Joe Denton, sorte d'Henry Chinaski en plus prude, n'a pas droit au salut : la morale triomphe, ne lui laissant même pas le temps de frapper à la porte du purgatoire.
Rondement mené, déprimant à souhait et un brin conservateur (du genre), ce roman qui hume bon le Thompson et évite le pathos tient indéniablement en haleine. Et Dan Zeltserman s'annonce comme un auteur Rivages à souhait, qu'on pourrait bien avoir envie de suivre.