CHRONIQUES

livres • bandes dessinées • comics
Prix : 18
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Collection :
ISBN : 978-2-02-104552-9
Nombre de pages : 0
Format : 14x23cm
Année de parution : 2011
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8 / 10

Les Visages écrasés

Série :
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Souffrance au travail

Les premières pages des Visages écrasés, roman de Marin Ledun, froides, sèches, heurtées, pleines de colère (où l'on sent poindre celle de l'auteur) et de tension vous collent au fauteuil (« Je hurle en même temps sa souffrance, sa vie d'homme et le système qui y a mis fin »). Vous pensez pouvoir souffler ensuite, il n'en sera rien car l'auteur vous fait plonger avec le docteur Matthieu…

Retour sur l'intrigue… France, banlieue de Valence, le Rhône, une boîte de téléphonie mobile. Carole Matthieu est médecin du travail : « Écouter, ausculter, vacciner, notifier, faire remonter les statistiques anonymes auprès de la direction ». Mais ses préoccupations actuelles ne sont pas les remontées statistiques, non, ce sont les vivants souffrants au travail : « Vincent Fournier lève sur moi un visage cadavérique. Traits tirés, poches noires sous les yeux et barbe de trois jours […] J'écris : insomnies chroniques, traitement inefficace […] Je reprends le stylo et je note : diarrhées, apathie, fatigue chronique, perte de poids – 16 kilos en deux mois […] J'ajoute : idées suicidaires, récidive possible, forte probabilité de passage à l'acte, inaptitude au poste. » Cela fait un an qu'elle le suit : « Trois arrêts maladie, trois échecs. À chaque retour, vous replongez. À chaque reprise, votre état empire. Vous souffrez de troubles gastriques et du sommeil depuis près de deux ans. Vous ne mangez plus, vous ne dormez plus, vous ne voyez plus personne. » Malgré tout ce qu'il endure, Fournier veut rester au travail : « Ils ne m'auront pas »… mais comme pense le docteur Matthieu : « Ils t'ont déjà eu. Ils ne t'ont laissé aucune chance, ils ont miné le terrain, mais tu as quand même foncé tête baissée, et maintenant, ils t'ont eu. » Pour elle, Fournier est un cadavre en sursis, victime du monde du travail d'aujourd'hui. Mais personne ne le reconnaît, personne ne s'en émeut, personne ne fait rien, il lui faut donc conjuguer deux choses : une mort honorable « Vincent a le droit de partir avec dignité » et une pression médiatique « Médias, revues de presse, scoop, interviews ». Elle l'abat donc froidement (si on peut dire) un soir sur son lieu de travail.

Ce qui est fort dans ce roman, c'est la personnalité de cette femme, le docteur Matthieu, qui se dévoile progressivement – mélange habile de narration et comptes-rendus cliniques -, qui brouille vos repères, habitudes et préjugés. Le livre qui vous prend aux tripes – et visiblement Marin Ledun a mis toutes les siennes dedans – est tout en violence interne, votre colère remonte (mais comment ce système de production peut-il encore exister ?) et vous y repenserez bien après l'avoir refermé. Le dernier paragraphe est d'une rare beauté. Un conseil, lisez-le d'une traite, ce n'en sera que plus fort !

Article initialement paru le 6 mai 2011
Publié le 21 mai 2025
Mis à jour le 21 mai 2025
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