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Tout public
Traduit de l'anglais (Irlande) par François Thibaux
Paris : Calmann-Lévy, mars 2013
508 p. ; 23 x 15 cm
ISBN 978-2-7021-4492-3
Actualités
- 25/02 Prix littéraire: Sélection 2014 du Grand Prix des lectrices de Elle
Le 25 février dernier, le Grand Prix des lectrices de Elle a mis un terme à sa sélection finale 2014 dans ses trois catégories. Rappelons que outre le roman policier, les jurés récompensent également un roman de littérature générale et un document. L'ultime roman policier sélectionné est Yeruldegger, le polar mongol de Ian Manoock, récemment récompensé par le prix SNCF du polar/roman. Il vient prendre place au sein de romans hétéroclites, aux genres divers et variés et aux éditeurs, là aussi, de tous horizons. La remise du prix aura lieu le jeudi 5 juin dans les Salons France-Amériques à Paris. Les jurés auront-ils privilégié l'ethnologie, la procédure, l'énigme, le thriller ?... Il faut encore attendre quelques jours pour avoir la réponse.
Sélection 2014 :
- Zone de non-droit, d'Alex Berg (Jacqueline Chambon) ;
- La Maison des absents, de Tana French (Calmann Levy) ;
- Absences d'Alice La Plante (Robert Laffont) ;
- Longue Division, de Derek Nikitas (Télémaque) ;
- La Théorie du Chaos, de Leonard Rosen (Le Cherche midi) ;
- Témoin de la nuit, de Kishwar Desai (L'Aube) ;
- Les Impliqués, de Zygmunt Miloszewski (Mirobole) ;
- Yeruldegger, d'Ian Manook (Albin Michel).
Vous pouvez retrouver toute l'actualité du Grand Prix des lectrices de Elle sur le blog qui lui est consacré.
Liens : Zone de non-droit |Longue division |La Théorie du chaos |Témoin de la nuit |Yeruldegger |Tana French |Derek Nikitas |Kishwar Desai |Zygmunt Miloszewski |Ian Manook
Folies bourgeoises
Un nouveau pavé (cinq cents pages bien tassées...) dans la mare presque comblée du procédural british, ici irlandais (ou irlando-américain, pour pinailler) ? Oui et non... Car si l'on a bien un crime et une enquête, l'intrigue s'avère bien plus complexe qu'elle n'en a l'air au départ. À Broken Harbour, dans un lotissement neuf de rêve - devenu cauchemar pour ses rares habitants lorsque les promoteurs l'ont abandonné sans crier gare -, on a agressé une famille, les Spain, dans leur propre maison, laissant les cadavres de Patrick Spain, de leurs deux enfants et une Jenny Spain gravement blessée. Il apparaît vite que cette famille bourgeoise rêvant de respectabilité subit les affres du chômage et du déclassement... Mais ce n'est pas tout : pourquoi ces trous dans les murs de la maison ? Pourquoi tous ces moniteurs audio pour bébés, alors que les enfants avaient passé l'âge, et ces caméras surveillant les angles ? Comme si la famille avait peur de quelque chose de tapi à l'intérieur même de la maison. L'inspecteur atypique Scorcher enquête tout en cherchant à se faire à son coéquipier, qui s'avèrera plus perceptif qu'il ne le croît, même si leurs méthodes sont à l'opposé l'une de l'autre. Scorcher tente lui-même de se remettre du suicide de sa mère qui a ainsi détraqué définitivement l'esprit de sa jeune sœur Dina, fardeau qu'il doit porter...
On ne serait pas loin du cliché du DAP (Détective à Problèmes), comme disait feu Michel Lebrun, si le personnage n'était pas plus riche qu'il n'y paraissait. Ses considérations sur la façon de mener une enquête, quoique logique, pourraient faire de lui un anti-héros dépourvu de toute empathie, voire un salaud intégral, mais comme son point de vue de narrateur est omniprésent, à chacun de se faire une idée. Et petit à petit, à force que l'on dissèque le passé de cette famille et que l'on découvre le personnage pathétique de Dina, qui aurait pu être caricatural ou, pire, traité à la comédie, le roman prend peu à peu de l'ampleur, même si le coupable est facile à découvrir. Chronique sociale (mais pas politique !) féroce tout en restant en demi-teinte, chronique de l'horreur du déclassement et, à travers ce lotissement si prometteur voué à la déchéance, métaphore d'un pays "modèle" en décomposition, le roman est tout ça, mais prend encore un nouveau tour alors que la conclusion approche. On passe en douceur à un mélodrame social poignant, une histoire d'amour fou et de folie tout court, alors que le pseudo-mystère de la maison est révélé, pour dessiner en filigrane un personnage de mère tragique, que n'aurait pas renié, Almodovar qui ramènera notre enquêteur au cœur sec à ses propres démons.
Une thématique d'une grande richesse donc, un roman qui ne cesse de se métamorphoser en douceur, évitant la boursouflure, et qui laisse un goût amer dans la bouche tant il racle jusqu'à l'os les angoisses de notre époque, loin du thriller domestique rassurant. Pour en sucer la substantifique moelle, il faudra passer par ce qui empoisonne le genre de nos jours : la nécessité de remplir des pages, ce qui implique nombre de longueurs et de redondances assez bien négociées pour que le lecteur ne décroche pas. Défauts que l'on pardonne aisément, si cette perle noire n'a pas un écrin à la hauteur de sa richesse. D'autant que, et on ne le soulignera jamais assez lorsqu'il le faut, le travail de traduction de François Thibaux est absolument remarquable.
Nominations :
Grand Prix des Lectrices de "Elle" Policier 2014
Citation
Divers thérapeutes et psychiatres ont diagnostiqué, au fil des années, de multiples pathologies qui peuvent se résumer ainsi : Dina n'est pas douée pour l'existence. Vivre nécessite un talent qu'elle ne possède pas.