Guitar army : rock, révolution, Motor City, MC5 et White Panthers

Nightingale et Bradshaw avaient assisté à l'entretien sur un écran. La seconde, les traits tirés, ne quittait pas des yeux le visage de celui qui avait bien failli tuer les personnes auxquelles elle tenait le plus.
M. W. Craven - Le Guérisseur
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

La Cité sous les cendres
Dix ans ont passé depuis que Danny Ryan et son fils ont dû fuir Providence et la vengeance d'une fami...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

jeudi 21 novembre

Contenu

Mémoires - Noir

Guitar army : rock, révolution, Motor City, MC5 et White Panthers

Musique MAJ mercredi 10 novembre 2010

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21,5 €

John Sainclair
Guitar Army - 2007
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Émilien Bernard
Paris : Rivages, septembre 2010
366 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-2128-5
Coll. "Rouge"

Le MC5 ou l’invention de la "guérilla rock"

En 1968, le groupe le plus sauvage d'Amérique devient l'arme de propagande d'un groupuscule révolutionnaire, le White Panther Party. Une histoire édifiante, racontée dans Guitar Army par le manager du MC5, John Sinclair.
Il a déjà purgé plusieurs peines de prison, essentiellement à cause de la marijuana, quand John Sinclair décide de prendre en main cette formation née à Detroit en 1966. Il a vingt-cinq ans, est imbibé de free jazz – Coltrane et Sun Ra - et de LSD – qu'il conçoit comme un "amplificateur cosmique" - et il rêve d'une communauté "arc-en-ciel" censée s'étendre au monde entier. Il va ainsi pousser le MC5 à incarner cette aventure qui combine rock et révolution, au niveau le plus radical, avec le pari d'enterrer les sixties version "Flower Power". Musicalement, déjà  : avec ses charges de guitares saturées et son heavy rock ébouriffant, le MC5 est d'une brutalité qui annonce déjà le punk américain, avec un son crade, "puissant et sexuel", dira John Sinclair, idéologue barré mais rhétoricien brillantissime. Il greffe alors son idéal révolutionnaire directement sur l'ampli, et créé fin 1968 le White Panther Party – avec un clin d'œil et un soutien affirmé aux Black Panthers -, dont le MC5 serait à la fois la voix et le bras armé. Le programme ? La libération sans condition du peuple américain, la prise d'assaut de la culture par tous les moyens nécessaires, la libération de tous les prisonniers et de tous les soldats, l'abolition de l'argent, etc. Et surtout : dope, rock'n roll, et amour libre. Le MC5 a pour mission de battre le rappel pour que chacun entre dans "l'armée des guitaristes qui commençait à se former".
Les membres du groupe posent devant des drapeaux américains, guitare en bandoulière, parfois un fusil d'assaut à la main. Ils vivent en communauté, non loin de la "Fun House", où résident leurs "protégés", Iggy et ses Stooges – les deux groupes seront signés le même jour par Elektra en septembre 1968. Avant les concerts, ils conseillent au public de fumer des joints, demandent aux filles de brûler leur soutien-gorge, et encouragent tout le monde à faire l'amour dans la rue. Cela se termine souvent en bastons avec les flics... En intro de leurs chansons, Ramblin' Rose, Motor City Is Burning – empruntée à John Lee Hooker -, le chanteur Rob Tyner harangue la foule en hurlant : "Il est temps de choisir si vous voulez faire partie du problème ou de la solution." Ou encore : "Kick Out The Jams, motherfuckers!" - "Balance la sauce, enfoiré !"-, lors du concert enregistré au Grande Ballroom de Detroit le 30 octobre 1968, qui donnera lieu au premier album du groupe, encore salué aujourd'hui comme l'un des meilleurs "Live" de l'histoire du rock, qui grimpera à la trentième place des charts mais qui ne se vendra guère. Fred "Sonic" Smith et Wayne Kramer inventent quasiment le duel de guitares, et ce dernier raconte : "On a poussé à fond nos putains d'amplis à 100 watts et on a explosé les oreilles de tous les hippies et tous les beatniks. Ils s'en fichaient de ce qu'on jouait, les hippies auraient dansé sur n'importe quoi." Pour Iggy Pop, "le MC5 était au-delà de l'autodérision, ils étaient une parodie, ils se comportaient comme des voyous noirs avec des guitares. À Detroit, ton rêve, si tu étais un petit Blanc, c'était d'être un voyou noir avec une guitare, et de jouer comme si t'en étais un ."
Bref, ces "clowns psychédéliques" - dixit Sinclair - incarnent l'une des épopées les plus allumées des années 1960, après celle des Diggers de San Francisco, et celle des acid-tests itinérants des Merry Pranksters. Des mouvements tous suivis par des écrivains : Emmett Grogan pour les premiers (avec Ringolevio), Tom Wolfe pour les seconds, Norman Mailer pour le MC5 : "Un son hurlant [...], aussi dément et torride que des vagues de lave embrasant tout, et pulvérisant le cerveau au milieu de démons tourbillonnants", écrivait-il.
Mais le gouvernement prend au sérieux la menace que représenteraient les White Panthers pour la sécurité de l'État, et en juillet 1969, John Sinclair est piégé par un flic en civil à qui il donne deux joints... Il est condamné à dix ans de prison. Il n'en fera que deux, grâce au soutien, entre autres, de John Lennon. En 1972, le MC5 se sépare. Sinclair vit désormais à Amsterdam, et il constate finalement que le rêve a véritablement tourné court quand la musique est devenue un simple "divertissement".

Citation

Nous formons une armée de guitaristes, une horde loqueteuse de saints barbares, en route vers le futur, surfant sur une puissante vague sonore.

Rédacteur: Cédric Fabre mardi 09 novembre 2010
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page