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Poche
Inédit
Tout public
Faut qu'ça saigne !
Karine vient d'échapper à deux skinheads trop pressants - esquives souples et coups bien sentis qui laissent les deux individus sur le pavé d'une rue parisienne déserte. Pensant souffler un peu après cette bataille brève mais rude, toujours sous l'effet du death trash que son baladeur lui déversait dans les oreilles, elle se réfugie dans un terrain vague dissimulé derrière une palissade. Endroit glauque s'il en est, surtout de nuit... Rassurée de constater que ses agresseurs ne l'ont pas suivie, elle ne prend pas garde à l'ombre silencieuse qui s'approche d'elle. Le lendemain, Karine n'est plus qu'un cadavre affreusement mutilé.
Le commissaire Jean-Marie Argento confie l'enquête à l'inspecteur - inspectrice se plaît-elle à rectifier... - Annie Sinclair. Membre d'une brigade spécialement affectée aux "affaires sensibles", elle est en effet tout indiquée pour s'occuper de ce meurtre étrange : un cercle parfait a été tracé sur le sol autour du corps après le supplice. Et lorsque l'autopsie est effectuée et le corps mis en bière, quatre des clous fermant le cercueil sont dérobés. Cela laisse tout de suite soupçonner quelque rituel démoniaque...
D'autres crimes bizarres suivent : une vieille dame que l'on a amputée çà et là de lambeaux de chair, son chat égorgé ; un couple de chercheurs tués en pleine extase, une de leur chauve-souris de laboratoire noyée dans son propre sang... et toujours présente, d'une façon ou d'une autre, la figure du cercle. Rien ne relie les victimes et pourtant Annie pressent un fil conducteur. Un de ses collègues l'engage à consulter Aleister et Exhibia, un couple versé dans les sciences occultes. Ils lui apprennent l'existence d'un rite décrit par Eliphas Lévi censé conférer les pouvoirs suprêmes à qui l'exécutera à la lettre - ce que semble faire l'assassin. C'est bien la voie à suivre, qui mènera Annie à la solution.
L'intrigue reste facile à suivre et n'emprunte pas la piste de l'érudition ésotérique - c'est avant tout un récit distrayant sans complications. Mais le style n'est pas des plus léchés - les répétitions sont fréquentes, les tournures parfois lourdes, et les descriptions souffrent de quelques embarras. Il y a cependant des trouvailles jubilatoires en ce qui regarde les comparaisons et les images, ainsi que des passages "sociologiques" fort bien troussés - par exemple la petite virée en ex-URSS à l'occasion de la présentation du professeur Nabokov (un clin d'œil à ajouter à celui adressé ouvertement à Dario Argento). Surtout, il faut saluer la fin - pas le dénouement, en soi classique jusque dans son coup de théâtre, mais la fin, je veux dire la toute dernière page, et le mot qui la clôture. Enfin (!), s'il y avait sur k-libre une note spéciale pour les couvertures, celle de ce livre serait un 10 sur 6 : ce noir & blanc superbement grenu et flou, comme porteur d'effluves de caveau humide, sied bien au vieux crâne... et, suprême raffinement : la silhouette du rat est en surbrillance sur le pelliculage mat - quel effet de matière !
Citation
Un peu de lumière ne lui ferait pas de mal au royaume des forces obscures.

