Le Gang de la clef à molette

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Roman - Noir

Le Gang de la clef à molette

Gang MAJ lundi 01 août 2011

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 24,5 €

Edward Abbey
The Monkey Wrench Gang - 1975
Préface de Robert Redford
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Guillaumin
Paris : Gallmeister, janvier 2006
496 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-35178-002-7
Coll. "Noire"

Pacifiques explosifs

Doc Sarvis, chirurgien entre deux âges spécialisé dans "l'assainissement du paysage", dans l'incendie des slogans moraux plantés au bord de l'U.S. 66, du côté d'Albuquerque, Nouveau Mexique. Bonnie, son âme sœur (très belle âme sœur), une WASP* de vingt-huit ans (et demi) beaucoup trop fine pour se conformer aux anti-conformismes ambiants, dont elle expérimente les jeux, sans jamais s'y fixer. Seldom Seen (rarement vu), le bien nommé, mormon polygame, qui continue d'habiter, en esprit, le canyon englouti par les eaux de retenue du barrage de Glen Canyon. Et Georges W. Hayduke, béret vert de retour à Tucson, le Vietnam dans la tête, clochard au purgatoire dans son pays natal dévasté par les raffineries, les routes, les ponts ; même le ciel lui est devenu méconnaissable : décharge résiduelle, hantise industrielle, saccage bestial et promesse de bidonvilles.

Le gang se lance dans une entreprise de sabotage industriel, dans le désert et les canyons du Sud-Ouest américain. (Nous sommes en 1974.) Révolte placée sous l'égide de Ned Ludd, artisan tisserand anglais opposé à l'industrialisation, destructeur, saccageur, pendu en 1812. Ils inscrivent un pacifisme strict sur leur charte de mauvaise conduite. Ils se contenteront de clefs à molette, d'huile de coude et d'imagination débridée, pour mettre hors service les bulldozers, les excavateurs, les foreuses, pour ruiner leur mécanique et enrayer cette "machine sans cerveau qui a un réacteur nucléaire à la place du cœur [...] industrialisation planétaire, proliférant comme un cancer. Croissance pour le plaisir de croître ; puissance pour la puissance. Il n'y aura bientôt plus de désert."**

Mais plus ils détruiront de cette machinerie, plus ils devront en détruire et retourner contre elle ses propres armes : la dynamite autoroutière, minière, la presse à propagande, "le goût de la destruction méthodique". L'heure de George W. Hayduke, le "poilu" alcoolique réchappé du Vietnam, aura sonné. Son art artificier, son sens de la survie et l'artillerie lourde de sa solitude donneront le tournis aux autorités territoriales. Montée en puissance et en violence. Sabotage au fil de la traque aussitôt organisée contre nos quatre idéalistes. Réseaux ferroviaires explosés, firmes industrielles touchés au cœur, ponts rompus, chantiers autoroutiers saccagés. L'amour du travail bien fait, quoi !

L'humour de ce western vengeur d'Edward Abbey (1927-1989) est redoutable et ne recule devant aucune ambiguïté (vis-à-vis de la violence, de la sexualité...). Son écriture est flamboyante, sans lyrisme excessif. C'est une longue immersion, à bâtons rompus, jubilatoire, dans la région des canyons dans le sud-est de l'Utah et le nord de l'Arizona. Le désert, les mesas, les paysages volcaniques impriment leur permanence. Les monstres industriels, les édifices rentables sabotés, explosés, ruinés, sont d'une beauté à couper le souffle. Splendeur de la destruction, sans doute, mais surtout ampleur de la folie humaine, qu'Edward Abbey ne mésestimait visiblement pas, n'attendant peut-être rien d'autre de l'homme, du reste, se contentant de la mettre au service du désert terrestre et de sa permanence menacée.

* Descendante directe des premiers immigrants.
** Propos de Doc Sarvis, pp. 94 et 95, ch. 5, "La conspiration des saboteurs".

Vous pouvez retrouver l'ensemble de ces chronique dans le dossier Retour aux sources.

Citation

La vie dans les grands espaces offrait jadis à l'homme un mode de vie plein de sens. Aujourd'hui, elle fonctionne comme un refuge psychiatrique.

Rédacteur: Stéphane Prat samedi 30 juillet 2011
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