Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
408 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-9534161-2-1
Coll. "Polars & thrillers"
Si vous voulez qu'Armelle reste, tapez "1"
Waverly Hills (États-Unis). Dans un lugubre sanatorium désaffecté et vaguement hanté, huit condamnés à la chaise électrique (ou à l'injection létale selon les caprices meurtriers des États concernés) sont rassemblés pour un jeu télévisé : "Criminal Loft". La règle est simple : chaque semaine le public vote pour renvoyer un candidat dans le couloir de la mort de son pénitencier d'origine ; le dernier candidat gagne le droit d'être gracié.
Dès les premières pages du roman le constat est clair : la cohabitation entre tous ces criminels, tous plus détraqués les uns que les autres, ne va pas être placée sous le signe de la tendresse. D'autant que les deux matons chargés de les surveiller ne semblent pas non plus être des enfants de chœur. Et quand, en plus, cerise sur le gâteau, quelques fantômes viennent rajouter leur grain de sel dans ce terrible casting, la situation devient très vite infernale.
Disons le sans détours : Armelle Carbonel signe, avec Criminal Loft, un thriller qui n'a rien à envier aux classiques du genre. Elle maîtrise parfaitement l'art du suspense et de la juste mesure. Ses personnages sont crédibles, psychologiquement bien campés (ce qui est la moindre des choses pour des psychopathes de leur acabit !) et elle parvient presque à nous les rendre attachants, malgré les crimes qu'ils ont commis et la folie qui les habite. L'histoire s'écoule sans temps mort et les 408 pages du bouquin se dévorent sans que l'intérêt ne faiblisse à un seul instant. L'intrigue est ciselée avec beaucoup de soin, l'auteure ayant su instaurer un climat de malaise et de peur sans avoir eu besoin d'en rajouter dans le "gore" et le sanguinolent. Bien sûr, il y a quelques bouts de tripes qui dépassent, par-ci par-là, et quelques belles giclettes d'hémoglobine, mais ces scènes un peu plus trashs sont rares. Elles s'intègrent en outre parfaitement dans le récit et ne ressemblent en rien à cette violence gratuite qui corrompt trop souvent ce type de livres.
En plus d'être bien écrit, Criminal Loft est également bien pensé. En effet, même si l'accroche de la quatrième de couverture qui précise qu'à "travers ce roman, l'auteure dénonce l'émergence des jeux réalité" apparaît un peu exagérée (car la "dénonciation" ne dépasse guère le stade de la suggestion), il est clair que le roman d'Armelle Carbonel peut constituer un excellent support pour une réflexion sur ce thème. C'est d'ailleurs assez intéressant de voir qu'elle utilise le support du "thriller" pour pointer du doigt "l'appétence morbide d'un public en quête de sensations fortes". Car à quelles appétences fait appel la lecture (voire même l'écriture) d'un roman de ce genre ? L'auteure, peut-être inconsciemment, entraine finalement ses lecteurs dans un jeu de miroirs troublant (les miroirs occupent d'ailleurs une place importante dans Criminal Loft). Comment le lecteur, en effet, peut-il condamner l'appétit morbide des spectateurs du jeu télévisé, alors que lui-même dévore avidement les pages d'un livre qui présente la même histoire ? Il y a une grosse différence, me direz-vous : les spectateurs du jeu sont censés regarder de vrais humains, alors que le lecteur, lui, est dans le monde de la fiction. Mais outre le fait que la frontière entre fiction et réalité, dans ce que l'on appelle injustement la "télé-réalité", est extrêmement difficile à définir, les ressorts psychologiques qui poussent des individus à se délecter de Criminal Loft (le livre) ou à s'exciter devant "Criminal Loft" (l'émission) ne différent probablement pas tant que ça. Quid de la dénonciation alors ? Qui dénonce qui ? Et de quoi ? Le problème, en tout cas, est passionnant, et le mérite d'Armelle Carbonel, est de l'avoir posé.
Bref, c'est une belle réussite que ce Criminal Loft qui donne tout son sens à cette chronique que j'alimente ici tous les mois. Voilà bien un livre en effet qui n'aurait aucunement démérité dans le catalogue d'un grand éditeur. Alors au cas où un lecteur de chez Plon, Belfond et compagnie passerait par ici, je me permets de passer une annonce : allez donc vous inquiéter de ce qu'Armelle Carbonel cache encore dans ses tiroirs car, comme disait une pub, autrefois, "elle a tout d'une grande".
Vous pouvez retrouver toutes les chroniques à L'Heure des comptes !
Citation
J'aimais le contact ferreux de mon scalpel, comme si la lame effilée était devenue le prolongement de moi-même. Sans lui, je me sens amputé, à l'instar d'un écrivain privé de sa plume.