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La tacatact-tique du gendarme
Plus fort qu'Agatha Christie ! Mais oui, vous m'avez bien lu : André Vallée est plus fort qu'Agatha Christie ! Déboulonnée la mère Marple ; relégué au rayon des fruits et légumes le vieux Poireau (je sais, elle est facile celle-là...). Car franchement, vous en connaissez beaucoup, vous, des auteurs, qui en quatre nouvelles, renvoient la reine du suspense dans ses vingt-deux mètres comme s'il s'agissait d'une simple débutante dans le monde des lettres ? Eh bien moi, cet auteur, je l'ai trouvé et je l'ai lu ! Et comme ses initiales se prononcent "Avé", il m'a semblé important, dans cette chronique, de rendre à César ce qui appartient à André...
Plus fort qu'Agatha Christie, donc. Si, si... Puisque je vous le dit. Rappelez-vous les livres que vous avez lus de cette dernière. À chaque fois, c'est la même chose : vous avez beau la connaître par cœur, tout savoir de sa manière de brouiller les pistes, vous vous faites avoir à tous les coups. Le coupable n'est jamais celui auquel vous aviez pensé. Reconnaissez que c'est agaçant, à la fin, cette manie de vous rappeler que vous êtes des nouilles et que, malgré tous les efforts que vous faites, elle vous enfumera toujours à la fin. Ce n'est pas très fair-play de la part d'une lady. Alors qu'André Vallée, c'est tout l'inverse. Avec lui, même pas besoin de réfléchir. Le coupable ? Il nous le désigne généralement dès les premières pages. Alors forcément, nous, pervertis par la vile Agatha, hop, direct, on se dit que ce ne peut pas être celui que tout désigne, que ce serait trop simple. Et paf, si ! C'est lui quand-même ! C'est épatant, non ?
André Vallée a tout simplement invité un concept nouveau : le suspense qui n'existe pas. Prenons "Du Caviar pour Cindy", la première nouvelle du recueil. Une jeune femme est victime d'un maître chanteur qui l'oblige à lui reverser mensuellement une partie de son salaire. Le coupable, qui vient en moto récupérer son butin tous les mois, est pris en filature par les policiers. Un piège lui est tendu et bingo : il est pris. Pas de rebondissements, pas de surprises, Vallée va droit au but.
Les trois autres nouvelles sont de la même veine. Une voiture est volée et son propriétaire kidnappé. On soupçonne un trafic de drogue. Et on a raison, car c'est bien de cela qu'il s'agit, et les méchants (que nous devinions depuis le début) sont arrêtés ("Voyage-surprise"). Une femme est sauvagement assassinée dans une station de ski, et le lecteur a le choix entre... un unique suspect (ouah, c'est pas facile). Et le coupable est ? Le suspect (ouah, z'êtes trop forts !) ("Rouge était la neige"). Une autre femme est retrouvée morte, étranglée, chez elle, et vous avez cette fois le choix entre deux suspects (ça se complique), mais l'un d'eux dispose d'un alibi en béton. Donc le coupable est ? (roulement de tambour)... Bin l'autre pardi ! C'est tellement évident qu'on se dit que non, tout de même, l'auteur ne va pas oser. Eh bien si, il ose, le bougre !
Allez, je sens que vous me soupçonnez d'être un brin moqueur. Et vous n'aurez peut-être pas tort. J'avoue que ces nouvelles m'ont dérouté. Ce qui ne m'empêche pas d'éprouver une réelle sympathie pour l'auteur qui possède, malgré tout, une assez belle plume, assortie d'un talent certain pour planter ses décors. D'ailleurs, malgré l'absence totale d'intrigues qui caractérise ses quatre textes, il parvient globalement à ne pas être pesant et à capter l'intérêt du lecteur, ce qui n'est pas rien. Et on se dit qu'avec des chutes un peu moins convenues et des scénarios un peu plus fouillés, on aurait pu avoir, entre les mains, un volume bien sympathique.
Allez, comme je suis sympa, et pour me faire pardonner de ma sévérité, je vais offrir à André Vallée le scénario d'une de ses prochaines nouvelles : c'est l'histoire d'un gars qui est penché à une fenêtre, au sommet d'un building. Il regarde en bas et il se dit qu'il en a marre de la vie et qu'il va sauter. Et devinez quoi ? Il saute. Et il s'écrase... Sacrée chute non ?
Le recueil comprend les nouvelles suivantes : "Du caviar pour Cindy", "Voyage-surprise", "Rouge était la neige" & "Petit-village".
Vous pouvez retrouver toutes les chroniques à L'Heure des comptes !
Citation
Les horaires de travail des dames du charme sont différents de ceux des ouvriers du bâtiment.