Minuit, impasse du Cadran

Peu importait l'atrocité de l'acte commis, une proportion non négligeable de condamnés à perpétuité ne montraient aucun repentir. Leur cœur était rempli de prétextes qui les excusaient, et ils n'étaient pas rares, ceux qui en voulaient même à leurs victimes pour s'être trouvés au mauvais endroit, au mauvais moment.
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Roman - Policier

Minuit, impasse du Cadran

Historique - Assassinat MAJ lundi 08 octobre 2012

Note accordée au livre: 5 sur 5

Poche
Inédit

Tout public

Prix: 8,8 €

Claude Izner
Paris : 10-18, septembre 2012
384 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-264-05467-8
Coll. "Grands détectives", 4582
Les enquêtes de Victor Legris, 11

Ce qu'il faut savoir sur la série

Les enquêtes de Victor Legris débutent en juin 1889, alors que l’Exposition Universelle bat son plein. La tour Eiffel, qui vient d’être inaugurée, en est la principale attraction. Victor est libraire rue des Saints-Pères. Passionné par son métier, il est également attiré par la photographie naissante et par la résolution d’énigmes. Il devient enquêteur pour protéger Kenji, son associé, qu’il considère comme son père.
Pour cette série, forte en 2009 de huit volumes, les auteurs s’appuient sur des faits divers étranges, en général étonnants mais réels, qui nourrissent une intrigue, d’une excellente facture, impliquant de près ou de loin des proches de Victor. Parallèlement à ces enquêtes, Claude Izner développe une véritable saga domestique avec une augmentation significative du microcosme familial. Chaque livre est aussi le prétexte pour explorer un quartier pittoresque, pour en faire une visite très documentée. Cette série se distingue par la qualité et la précision quant à la reconstitution de l’époque, par la richesse des descriptions. Le style, l’écriture, la richesse du vocabulaire et des images lui donnent une tonalité particulière, une authenticité peu commune.

Le temps fait à l'affaire...

L'arrivée d'un nouvel opus des enquêtes de Victor Legris est un événement attendu impatiemment par tous les aficionados de cette saga policière et familiale. Celle-ci a conquis, par le talent de ses auteurs, la richesse de ses intrigues et de son contenu, un très large public.

Un ancien cocher, se réjouit de l'annonce prochaine de la fin de la Terre, frappée par une comète, dans une quinzaine de jours.
Robert Demancy se félicite d'être admis comme pensionnaire de la Comédie-Française. À lui de montrer son immense talent et de goûter aux délices qu'apporte la gloire. N'est-ce pas le début avec ce billet lui fixant rendez-vous à minuit, impasse du Cadran ? Signé d'un énigmatique L., il a été glissé sous la porte de sa loge dans une enveloppe rose.
Avant de s'y rendre, il rencontre Raphaël Soubran. Celui-ci le fait chanter, jurant que, cette fois-ci, c'est la dernière fois. Mais, à minuit, une ombre lui bondit dessus, le poignarde sous les yeux horrifiés d'une résidente insomniaque.
Victor Legris et Joseph Pignot, son beau-frère et associé, ont promis de ne plus se lancer dans des enquêtes où ils risquent leur vie. Ils ne doivent s'adonner qu'à leur activité de libraire, que se consacrer à leur famille, à la photographie et au vélo pour le premier, à l'écriture de romans pour le second. Mais, quand le commissaire Valmy demande à Victor de s'occuper de l'affaire de l'impasse du Cadran, car la victime est son demi-frère, le goût de la revanche et l'attrait du mystère sont les plus forts. Pour mener leur enquête, ils vont devoir se cacher de leurs proches, trouver des prétextes pour s'absenter, mentir...
Un professeur se fait occire sur le même lieu. Comme pour Demancy on trouve, disposé autour du cadavre, des objets hétéroclites qui semblent sans signification : une faux miniature, des pierres entourées de linges blancs, une clepsydre, un crocodile en peluche...
Les deux limiers engagent une course contre la montre pour débusquer le tueur en série...

Ce roman, le onzième et pénultième de la série, débute en octobre 1899. Il s'articule autour de trois sujets principaux : la fin du monde, le temps dans toutes ses déclinaisons et l'évolution permanente de la saga familiale.

Selon de doctes scientifiques, la comète Jacobini doit frapper la Terre le 13 novembre entraînant la fin de l'humanité.

Les auteurs intègrent le temps dans la quasi-totalité de son sens. Elles utilisent ses références mythologiques, ses représentations dans les sociétés grecques, romaines, les concepts allégoriques qu'il a suscités. Elles évoquent, également, son côté inexorable, ses dégâts, tant sur les choses matérielles que sur les humains. Elles donnent le tempo de leur récit en faisant usage de sa mesure, de sa rapidité, de son influence. À travers un personnage truculent, elles prodiguent des mesures de la vie d'un homme avec le temps passé aux occupations d'une journée, et son poids dans une vie, à marcher, à déféquer, à flirter : "... un mâle humain aura consacré deux cent soixante dix-sept journées à courtiser les femmes". C'est drôle et d'une grande pertinence. Toutefois, elle évoquent, avec un brin de nostalgie, la fuite en avant du temps en faisant dire à une protagoniste : "... en attendant que la vieillesse me prive d'enthousiasme, je m'amuse".

Parallèlement à la traque du tueur en série, elles étoffent la saga familiale, avec des retours inattendus, qui vont débloquer des situations, des crises entre les couples. Elles ont réuni, au fil des romans, un microcosme qui se compose de l'essentiel des catégories humaines, mêlant des nationalités différentes, des approches variées de l'existence et des situations de crise. Mais, comme dans la réalité, elles lient chacun à l'ensemble et montrent que l'on côtoie essentiellement les mêmes personnes.

Elles conçoivent une intrigue astucieusement menée, multipliant les pistes, brouillant les cartes, développant nombre d'intrigues secondaires en mettant en scène, outre les héros habituels, une théorie de personnages hauts en couleur, aux portraits finement ciselés, construits avec soin. Elles imaginent, ainsi, une galerie de rôles auxiliaires équilibrée, avec une richesse de personnalités et de caractères.

Elles ouvrent les portes de la Comédie-Française, évoquent son fonctionnement, dévoilent des usages perdus comme le prélèvement, sur le prix des places de théâtre, d'une somme destinée à l'Assistance Publique.

Elles distillent, au fil des pages, un humour raffiné, faits d'annotations sur les travers des personnages, sur leur caractère. Mais, ne frôlent-elles pas le persiflage quand elles font tenir des dialogues de ce type : "... trimbalons-nous loin de ces bestioles, (des pigeons – Ndr) je ne tiens pas à attraper la psittacose. – C'est une maladie transmise par les perroquets et les perruches. – La pipelette avec qui vous vous entreteniez en est une..."

Comme dans chacun de leur roman, elles détaillent le quotidien de leurs acteurs, les événements qui secouent l'actualité, exhument des faits ignorés ou des situations tombées dans l'oubli. Elles font passer ces informations avec naturel dans le fil de l'action sans en gêner la progression.

Minuit, impasse du Cadran, est un joyau de plus à mettre à l'actif de Claude Izner dont le talent et l'art du récit illuminent chaque page.

Citation

Chacun cachait à l'autre son exultation. Joseph jubilait à la perspective d'être impliqué dans cette histoire qui défrayait la chronique. Que le commissaire principal Valmy devînt son obligé lui donnait des ailes. De son côté Victor éprouvait l'impression d'avoir subitement rajeuni.

Rédacteur: Serge Perraud samedi 29 septembre 2012
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