Contenu
Poche
Inédit
Tout public
Bihorel : Krakoen, décembre 2011
296 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 979-10-90324-14-5
Coll. "Forcément noir"
Actualités
- 25/10 Édition: Parutions de la semaine - 25 octobre
- 03/05 Prix littéraire: Sélection 2013 des Ancres noires
La participation massive des lecteurs du Havre et de son agglomération est de rigueur pour cette année 2013 où la sélection est riche et propose de nombreux ouvrages qui explorent les principaux sous-genres des littératures policières. Ce Prix, qui sera dévoilé à l'occasion de la seizième édition de Polar à la plage, festival renommé lancé par l'association Les Ancres noires, et qui se déroule cette année les 15 et 16 juin sur la digue-promenade - croisons les doigts pour le beau temps -, récompensera un auteur qui a commis un roman ces dernières années, sans que l'année en cours ne soit une obligation. Cinq des auteurs étrangers - trois Anglais et deux Espagnols, la double parité est presque là - sont présents dans une sélection où l'on remarque La Tristesse du Samouraï, de Victor del Árbol, Les Visages écrasés, de Marin Ledun, et Les Violents de l'automne, de Philippe Georget tous trois récompensés déjà à de nombreuses reprises. Nous avons choisi de mettre l'éditeur français original au détriment de l'éditeur poche - s'il existe. Participer est gratuit, et comme dans de nombreuses loteries, plus vous participez, plus vous avez de chances de gagner le gros lot. Pour chaque livre de la sélection des Ancres noires que vous lirez, remplissez un bulletin d'appréciation que vous remettrez à votre bibliothécaire avant le 1er juin. Un bulletin sera tiré au sort dans chaque bibliothèque participante et l'heureux gagnant recevra un cadeau à l'automne lors de la soirée festive organisée pour la remise des prix. Alors, pourquoi ne pas tenter votre chance ?
Sélection 2013 :
- Démolitions en tous genres, de Jérémy Behm (Rivages, "Noir") ;
- Éboueur sur l'échafaud, de Abdel-Hafed Benotman (Rivages, "Noir") ;
- Aimer et laisser mourir, de Jacques-Olivier Bosco (Jigal, "Polar") ;
- Villes de nuit, de Thierry Crifo (Rue du Départ, "Voyage noir") ;
- La Tristesse du Samouraï, de Victor del Árbol (Actes sud, "Actes noirs") ;
- Empereurs des ténèbres, de Ignacio del Valle (Phébus, "Littérature étrangère") ;
- Le Tueur intime, de Claire Favan (Les Nouveaux auteurs, "Thriller") ;
- Les Violents de l'automne, de Philippe Georget (Jigal, "Polar") ;
- Nuit d'encre, de Philippe Huet (Albin Michel, "Romans français") ;
- Les Visages écrasés, de Marin Ledun (Le Seuil, "Roman noir") ;
- L'Enfant aux cailloux, de Sophie Loubière (Fleuve noir, "Thriller") ;
- Les Âges sombres, de Karin Maitland (Sonatine) ;
- Les Vacances d'un serial killer, de Nadine Monfils (Belfond, "Littérature française") ;
- Rouge dans la brume, de Gérard Mordillat (Calmann-Lévy) ;
- Sous le vent, de Jean-Bernard Pouy & Joe G. Pinelli (Jean-Claude Lattès) ;
- L'Affaire Clémentine Lange, de Laura Sadowski (Odile Jacob, "Thriller") ;
- Le Crépuscule des Gueux, de Hervé Sard (Krakoen, "Forcément noir") ;
- Tonton Clarinette, de Nick Stone (Gallimard, "Série noire") ;
- Au risque de se perdre, de Cathi Unsworth (Rivages, "Noir").
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Des gueux pas dégueus...
Parfois je me représente le travail des historiens du futur – disons du XXIII ou XXIVe siècle pour compter large – et je les vois, penchés sur leur table de travail (eh oui, ils ont encore des tables de travail, sans doute dotées d'écrans hologrammes ou de gadgets du même genre, certes, mais table de travail quand même). Ils ont récupéré plein de livres publiés dans les premières années du XXIe siècle (derniers spécimens du genre car les livres en papier disparaîtront définitivement quelques décennies plus tard) et ils s'efforcent de comprendre à quoi ressemblait la vie quotidienne en ces temps reculés et barbares. Devant eux : des ouvrages scientifiques, des essais sociologiques, philosophiques, économiques, des mémoires de footballeurs milliardaires, des portraits d'hommes politiques, des romans par milliers, mettant en scène des héros improbables aux destins peu crédibles. Et, au milieu de cette masse indigeste, des romans noirs. J'imagine ces historiens du futur hésiter quelques instants, balancer à la corbeille (enfin dans leur broyeur électro-moléculaire) tous les ouvrages inutiles, et ne garder que ceux qui leur parlent vraiment des hommes tels qu'ils sont, humains et trop humains : les romans noirs.
Nul doute que, dans ces archives ethnologiques futures, Le Crépuscule des Gueux d'Hervé Sard aura sa place parmi les livres les plus instructifs.
L'action se situe à la périphérie parisienne, aux abords d'une voie ferrée. Une poignée de cabanons, construits de bric et de broc, s'alignent à quelques mètres des rails. C'est le domaine des "Gueux" : Môme, Boc, Betty, Luigi, Capo et Krishna, marginaux qui ont trouvé là un espace de vie que personne ne songe à leur contester. Leur train-train (près d'une voie ferrée, normal !) est pourtant perturbé par la mort de trois femmes retrouvées découpées façon viande hachée sur les rails. Suicides ? Meurtres ? Crimes en séries perpétués par un tueur mystérieux surnommé "Le Dingue" ? Ça, c'est au capitaine Evariste Blond (prononcer "blonde") et à sa stagiaire Christelle Augier (rebaptisée Audoin page 144 !) de le déterminer.
L'enquête est rondement menée, haletante, riche en rebondissements et en horreurs. La chute est un peu précipitée à mon goût, mais l'essentiel du livre n'est pas là, selon moi. Sa richesse réside dans son humanité : des personnages de flics aux habitants du domaine des Gueux, tous les protagonistes de ce roman sont justes et attachants. Hervé Sard n'a pas essayé d'en faire des tonnes. La description qu'il nous propose de sa petite communauté de SDF est même quelque peu troublante, car il prend malicieusement le contrepied des préjugés communs. Non seulement les SDF qu'il met en scène ne ressemblent pas à ces sauvages brutaux, misérables délinquants, inadaptés, handicapés sociaux, que les médias et les discours habituels nous donnent à voir quotidiennement, mais bien des hommes et des femmes qui ont su se construire un univers de survie dans lequel ils sont raisonnablement heureux.
Car les Gueux d'Hervé Sard n'ont besoin de rien, ou presque. Ils ont appris à vivre en quasi autarcie : quelques légumes cultivés autour des cabanes, des poules, des lapins, un peu de chine à droite à gauche, dans les poubelles des supermarchés, quelques magouilles, un pétard ou un litre de rouge selon les goûts, et la vie est belle. Enfin belle, peut-être pas, mais pas pire que celle de tous ces Franciliens qu'ils voient défiler dans les RER, à longueur de journées, qui tirent la gueule du matin au soir, usés par le boulot, le loyer à payer, la mensualité de la voiture, les conneries des gamins...
Le Crépuscule des Gueux, en plus d'être un roman noir très agréable, est un livre qui pose de vraies questions, presque philosophiques, sur le bonheur, sur la différence entre le superflu et le nécessaire, sur les préjugés et la consommation de masse. La conclusion d'Hervé Sard est peu rassurante (d'autant moins rassurante qu'elle est très plausible) : le temps des Gueux est compté. Ils arrivent au crépuscule de leur histoire. Dans quelques années, quelques décennies peut-être, le modernisme et la société de consommation ne permettront plus à qui que ce soit de vivre en marge du système. Oh, les arguments seront bons : principe de précaution, solidarité, raisons sanitaires, humanisme... Autant de nobles sentiments qui, paradoxalement, interdiront aux Gueux de survivre et de rappeler du même coup au reste du troupeau qu'il peut exister d'autres façons de vivre, d'autres façons d'habiter la Terre et d'en jouir sans la détruire.
Les historiens du futur auront peut-être un petit coup de blues, finalement, en lisant Le Crépuscule des Gueux : les humains du XXIe siècle ne sont pas passés loin d'un monde meilleur... mais ils sont quand même passés à côté !
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Nominations :
Prix des lecteurs Ancres noires 2013
Citation
Mais bientôt, des gueux, y en aura plus. C'est le crépuscule, m'sieur. Le soleil, y s'est couché.