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Empire USA, saison 1
03 mai 2009 -
Les services secrets américains déjouent trois attentats majeurs programmés simultanément sur leur sol. Mais leurs informations étaient incomplètes : une quatrième bombe, chimique, explose à San Francisco et fait 350 000 morts en cinq heures. Le Sénat reporte les élections présidentielles prévues le mois suivant et, peu de temps après, un amendement à la Constitution supprime la séparation des pouvoirs entre l'État et la religion. Pour lutter contre l'ennemi déclaré, la secte fondamentaliste des Hashashins, la Cour Suprême va jusqu'à déclarer la primauté de la loi de Dieu sur celles du pays. La Bible devient l'ultime autorité légitime...
Tout ceci est le scénario-catastrophe qui va se dérouler si Jared Gail, agent non répertorié de la CIA n'intervient pas pour désamorcer cette fameuse quatrième bombe qu'il a réussi à localiser. Mais il est au début de cette histoire plus prêt à se suicider qu'à se poser en sauveur de son pays...
Tel est le "pitch" de cette série sortie tout droit de l'imagination de Stephen Desberg, qui, il faut bien l'avouer, tient en haleine jusqu'au bout. En six tomes, le scénariste, accompagné dans les quatre premiers tomes par Yann aux dialogues, et par cinq dessinateurs, nous trimballe aux quatre coins de la planète pour une intrigue où il déploie tout son savoir-faire en matière de rebondissements... et d'exploration des sentiments humains. Revenons un peu sur les premiers volumes de la série.
Le premier tome, dessiné par Griffo, nous emmène en Irak, où Jared, a appris au cours d'une mission que des armes destinées à l'Iran ont été détournées. Une mystérieuse opération IPCON, à laquelle seraient mêlés les Frères Hashashins, se préparerait sur le sol américain, mais les services secrets ne trouvent aucune trace de celle-ci. Les armes seraient-elles restées aux États-Unis ? Scarlett, une jeune et belle journaliste que Jared a tiré des geôles irakiennes, va vite le mettre au parfum : IPCON, elle connaît bien. C'est un département de la DIA, autre agence de renseignements pour laquelle elle travaille... et pour qui elle n'hésiterait pas à tuer son nouvel amant...
Dans ce premier tome d'installation, l'action prime d'abord ; et elle prend corps avec le duo composé par Jared et son pote Duane, étrange soldat imprégné de philosophie Jedi qui ne peut s'empêcher de parler à la manière de Yoda. L'entrée en jeu de Scarlett, un des personnages-clé de la série, oriente les pistes futures dans une autre direction, celle de l'idylle compliquée et conflictuelle entre deux agents de terrain. Et une mystérieuse pièce ancienne fait une apparition furtive. Tout est en place pour que le lecteur se plonge avidement dans la suite...
... et cela tombe bien, car le deuxième tome, paru en même temps, cette fois sous les pinceaux de Mounier, commence à déblayer le terrain, et ça déménage dur, puisqu'on y découvre que Scarlett est une véritable machine à tuer, et qu'elle fait équipe avec une non moins redoutable collègue, Jermaine. Jared les a pris en filature jusqu'à Londres, puis Hambourg, où elles commettent une tuerie en plein quartier pakistanais. But de la manœuvre : dresser les groupes terroristes les uns contre les autres. Les deux femmes sont sous l'emprise de leur chef, un certain Krove, le vrai "méchant" de cette première saison, celui qui tire toutes les ficelles dans l'ombre. Quant à l'étrange pièce de monnaie, que Jared a en fait reçu en héritage, une jeune femme n'hésite pas à proposer un million de dollars pour son acquisition... Les éléments continuent à se mettre en place et les personnages à se dévoiler.
C'est dans le troisième tome, dessiné par Juszezak, que commencent à se dénouer certains fils, dont celui de l'attentat dont il est question depuis le début. Les Frères Hashashins ont payé cent millions de dollars une bombe chimique qu'ils vont récupérer à Las Vegas, mais ils sont en fait manipulés par Krove. Ce même Krove, qui, en bon père de famille, n'a pas hésité à faire liquider le petit ami de sa fille pour cause de rapports sexuels prématurés... C'est à partir de ce troisième tome que la dimension "fou de Dieu" du personnage apparaît et va être confirmée, entre autres, dans le quatrième tome au cours d'un dialogue entre Jared et Krove. Extrait :
- Vous êtes complètement fou ! Qu'espérez-vous ? Un état d'urgence à cause de votre saleté de bombe chimique ?
- Ce que j'attends... C'est la naissance de l'empire des États-Unis d'Amérique. Par deux fois j'ai fait élire un président. Avec la grâce de Dieu et des électeurs. Dorénavant, il n'y aura plus d'élections. Nous nous contenterons de la seule grâce divine.
Et pour ma part je me contenterai d'en rester là pour le "résumé" de l'histoire, car il serait cruel d'en dévoiler davantage... et que cela vaut la peine de se plonger dans les six tomes de ce cycle. Le pari était un peu risqué, car en impliquant un casting impressionnant (rappelons-le : deux auteurs pour la création des personnages, cinq dessinateurs pour les albums eux-mêmes, Yann pour les dialogues, un coloriste, et un graphiste pour la couverture) il n'était pas évident qu'une addition de talents aboutisse à un résultat probant. Mais Stephen Desberg veillait visiblement sur ses troupes, qui ont pris plaisir à travailler ensemble sur cette série. Koller, dessinateur du cinquième tome, résume bien le sentiment commun :
"J'ai adoré cette émulation entre les auteurs. D'habitude, on travaille chacun dans son coin. Par la grâce du net, on suivait l'évolution des autres, le tout sous l'égide du scénariste qui était aussi le scripte du tournage. C'est vraiment du contemporain nouveau." (Dossier de presse Dargaud)
L'un des dangers était bien sûr le manque d'unité graphique, dû à des styles trop éloignés les uns des autres : les dessinateurs ayant été choisis par Stephen Desberg (lire l'interview), ce danger a été écarté avec brio. Chaque lecteur aura bien entendu ses préférences, mais force est de constater que graphiquement, cela fonctionne. Côté scénario, l'intrigue, en pleine actualité, est des plus crédibles, et reflète bien les préoccupations de Stephen Desberg sur le monde qui l'entoure : montée de l'intolérance, restriction des libertés, manipulation des mentalités. Tous ces éléments sont présents au cœur de son histoire qui reste rythmée, et, comme il l'a souhaitée, ponctuée d'une relation amoureuse un peu plus développée qu'à l'accoutumée dans ce genre d'histoires, où l'action prime. Des personnages habituellement secondaires ont aussi pu prendre une place un peu plus importante, même si parfois, comme celui de Saskia, et son histoire de divorce compliqué en raison de sa situation à la CIA, certains de ces personnages sont un peu "trop". Mais que ce léger écueil ne vous empêche de vous plonger dans "Empire USA"... en attendant une deuxième saison, vraisemblablement pour 2010.
Empire USA – Saison 1 - DARGAUD, 2008 – 6 tomes de 48 pages.
Scénario de Stephen Desberg
Création des personnages : Marini et Reculé
Couleurs : Bertrand Denoulet
Maquette couverture : Philippe Ravon
Tome 1 - Dessin de Griffo, dialogues de Yann. Sortie le 19 septembre 2008
Tome 2 – Dessin de Mounier, dialogues de Yann. Sortie le 19 septembre 2008
Tome 3 – Dessin de Juszezak, dialogues de Yann. Sortie le 17 octobre 2008
Tome 4 – Dessin de Griffo, dialogues de Yann. Sortie le 7 novembre 2008
Tome 5 – Dessin de Koller. Sortie le 21 novembre 2008
Tome 6 – Dessin de Reculé. Sortie le 5 décembre 2008.
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Par Frédéric Prilleux