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L'Effrayant docteur Petiot : fou ou coupable ?
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On croyait tout connaître de l'abominable docteur Petiot qui s'imposa comme le plus grand criminel qui sévit durant la Seconde Guerre mondiale tandis que Landru était celui de la Première. Mais c'était sans compter sur le travail de Claude Quétel, historien talentueux (Seconde Guerre mondiale, Louis XIV, Russie stalinienne etc.) qui sait mettre l'Histoire à la portée de tous en publiant chez First, notamment Le Débarquement pour les Nuls. Cet autre titre pour 2014 ne semble pas s'insérer dans une collection spécialisée chez Perrin. Quétel résume son argumentaire dans son sous-titre : "Fou ou coupable ?" laissant donc entendre que si Petiot avait été déclaré en état de démence au moment des crimes, la justice ne lui aurait pas coupé la tête. Pas de notes en bas de page ou d'annexes longuettes, mais une écriture simple, dynamique, s'appuyant sur la chronologie, qui évite les pièges de la novélisation, cite à bon escient des extraits d'articles de journaux, et discute les hypothèses des autres auteurs ayant publié sur Marcel Petiot.
Le docteur se construisit une sorte de chambre à gaz personnelle dans un hôtel particulier délabré où il attirait, grâce à plusieurs rabatteurs, des juifs ou des malfrats désirant fuir la France. "Le procureur a divisé les victimes en trois groupes qu'il présente dans cet ordre : le groupe des juifs (au nombre de quinze), trois personnes 'mêlées à des affaires judiciaires compromettant gravement l'accusé' et des personnes 'de basse moralité mais qui avaient de l'argent' (au nombre de neuf)". Vingt-sept victimes identifiées grâce à la quarantaine de valises retrouvées pleines de vêtements dans un grenier, et que la justice empila en mur derrière Petiot lors du procès. Quétel ne part pas du procès mais de la naissance de Petiot, ses études, son engagement dans la Grande Guerre et ses débuts dans la médecine afin de dégager les prémices puis les signes de sa folie. Somnambulisme, épilepsie, kleptomanie, "bipolarité", manque d'hygiène, dépression, tout ceci a été avéré par les rapports psychiatriques lors de ses premiers débordements à l'adolescence puis par des commissions militaires qui lui versèrent des pensions d'invalidité. Autre chapitre passionnant : sa fonction de maire de Villeneuve-sur-Yonne puis son internement d'office sur ordre du Préfet. Pendant la guerre, il s'installe à Paris, diffuse sa pub mensongère autour de son nouveau cabinet et met au point la filière du "docteur Eugène" censée faire partir en Argentine les juifs en fuite. Arrêté et torturé par la Gestapo qui l'a appâté avec un riche jeune juif retourné, Petiot tient bon. Il n'avait, après tout, aucun réseau à dénoncer ! Mais une épaisse fumée noire et puante qui s'échappe des cheminées de l'hôtel particulier du 21 rue Lesueur (une de ses propriétés secrètes) va provoquer la découverte d'un horrible charnier. Petiot disparaît dans une ambiance explosive puisque c'est le débarquement. On le retrouvera au terme d'une incroyable enquête parmi les officiers des FFI sous le nom du capitaine Valéri.
Claude Quétel raconte ensuite la longue instruction tandis que Petiot, en prison, écrit un ouvrage délirant sur les martingales titré Le Hasard vaincu, édité à compte d'auteur et dont on lit quelques extraits. Le procès est ensuite détaillé. Quétel examine la plaidoirie de près de sept heures de Maître Floriot. Il note que le célèbre avocat a bâti sa défense sur les dires de Petiot (appartenance à un réseau de résistance et manœuvres de la Gestapo pour le piéger). S'il s'était concentré sur son passé psychiatrique en s'appuyant sur les nombreux rapports ayant ponctué sa vie, en particulier la définition officielle du "déséquilibre constitutionnel amoral" qui lui fut souvent attribuée, il aurait sauvé sa tête.
Le dernier chapitre sur l'exécution est lui aussi passionnant par son récit parallèle sur le bourreau Desfourneaux, inquiété pour avoir guillotiné sous le régime de Vichy, en particulier en 1943 la première femme depuis cinquante ans (l'avorteuse Marie-Louise Giraud), ce qui provoqua la démission de ses adjoints. Les autorités ne voulaient plus du grand-guignol public qui régna lors de l'exécution de Weidmann en 1939. Pour Petiot, la "veuve" fut donc dressée dans la cour d'honneur de la prison de la Santé aux premières heures du samedi 25 mai 1946 et avec le moins de bruit possible pour ne pas effrayer les prisonniers endormis.
Citation
Costume croisé, large nœud papillon gris foncé, le regard noir et le cheveu défait, Petiot semble en effet tout à fait à l'aise et même heureux d'être là. À sa gauche, une falaise de valises s'élève jusqu'au plafond. Ce sont les fameuses pièces à conviction.