Rouge ou mort

Roman - Noir

Rouge ou mort

Shankly le Magnifique

Ce n'est pas du noir, mais notons tout de même que le mot "mort" est dans le titre. Ce n'est pas rien. Ce n'est pas du noir, mais l'auteur est David Peace. Ce n'est pas rien. Ce n'est pas du noir, mais il y a des membres fracturés. Ce n'est pas rien. Ce n'est pas du noir mais on s'en fout parce que c'est l'un des meilleurs livres que j'ai lus ces dernières années. Ce n'est pas rien.

De quoi s'agit-il alors ? L'histoire de Bill Shankly, entraîneur mythique du Liverpool Football Club, l'homme qui a amené l'équipe du ventre mou de la deuxième division au sommet de l'Europe. Un entraîneur hors pair, une personnalité hors du commun. Manager socialiste, amoureux de son club et de ses supporters. Mais plus que l'histoire, c'est le style qui est ici exceptionnel. Le style de David Peace, le style de Bill Shankly, le style des 790 pages qui se dévorent comme on dévore une denrée rare. Un style fait de répétitions, d'un recommencement perpétuel, de ces rituels et de ces matchs qui se répètent à l'infini à Anfield, le stade du Liverpool Football Club, et à l'extérieur, ailleurs qu'à Anfield, ailleurs qu'à Liverpool.

Rouge ou mort, c'est une page du football anglais des années 1960-1970, des finales de la Cup aux premières coupes d'Europe, de Kevin Keegan à George Best, à l'époque où les transferts commencent à peine à s'embraser, où les rivalités se forgent et où les managers sont encore des gentlemens.
Lire Rouge ou mort, c'est revivre France-RFA 1982, France-Italie 2006, Bordeaux-Milan 1996, c'est toutes les émotions du football réunies en près de 800 pages. Mais c'est bien au-delà, c'est un chant, un hymne, une épopée. C'est l'Iliade et l'Odyssée, c'est Germinal, c'est Shankly au pays des merveilles, c'est une histoire d'amour et de mort, une histoire du peuple et de sa ferveur, de gloire et de désespoir, c'est de la poésie dans tout ce qu'elle peut avoir d'hypnotique et de grisant. Oui, de la poésie parce que si ce livre inclassable est à conseiller à tous les passionnés du ballon rond, il a une place toute indiquée dans votre bibliothèque : celle du rayon poésie.

Citation

Pendant l'hiver, pendant la nuit, ils se sont souvenus de lui. Et puis ils sont venus le voir. Pendant l'hiver, pendant la nuit. Pas la casquette à la main, pas en mettant un genou à terre. Pas de cette façon-là. Mais ils sont venus quand même.

Rédacteur: Gilles Marchand mercredi 27 août 2014 partager : | |